Hamaguchi, Ryûsuke

J’avais lu, il y a quelques années, la nouvelle d’Haruki Murakami qui a inspiré ce film. Voici le commentaire que j’avais fait parvenir au Club des Irrésistibles : « Un homme se confie à une jeune femme qui lui sert de chauffeur. Sa femme est morte d’un cancer. Elle avait des liaisons. Il le savait, mais ne le laissait pas voir. Il rencontre un de ses anciens amants, se lie d’amitié avec lui et cherche à savoir ce qui attirait tant sa femme chez cet homme somme toute insignifiant. Le titre de la nouvelle se réfère au fait que l’homme doit se faire conduire, car il ne peut plus le faire lui-même à cause d’un point aveugle qui rendrait sa conduite dangereuse… tout comme son point aveugle mental qui l’empêche de voir les motivations de sa femme. »
J’ai beaucoup aimé ce film, malgré certaines réserves. Tout comme dans la nouvelle qui l’a inspiré, on y trouve toute la délicatesse et les non-dits qui caractérisent bien la société japonaise. Tous les dialogues entre le metteur en scène et sa conjointe et ceux avec sa conductrice sont d’une finesse sans commune mesure avec notre culture occidentale. Et vous serez étonné, comme moi, de voir une actrice de théâtre muette jouer un personnage de premier ordre dans la pièce de Tchekhov. C’est émouvant !
Mais…
Dans la nouvelle qui a inspiré ce film, il est bien sûr question de Tchekhov et de sa pièce Oncle Vania, des textes que le metteur en scène écoute dans l’auto. Mais il écoute aussi de la musique durant les trajets : Beethoven ainsi que du vieux rock américain (les Beach Boys, les Rascals, Creedence ou encore The Temptations). Et le titre de la nouvelle est sûrement un clin d’œil à la chanson des Beatles.
Murakami est un amateur de musique rock des années 60. D’ailleurs, son cinquième roman qui, en français, porte le titre La Ballade de l’impossible fait référence à la chanson des Beatles Norwegian Wood. Et la nouvelle qui suit Drive My Car s’intitule Yesterday.
Et c’est là que le bât blesse. Le film dure un peu plus de trois heures et pas l’ombre d’une note des chansons des Beatles. Et que dire des répétitions de la pièce de Tchekhov qui n’apportent rien à l’histoire ? Il aurait été facile d’en couper la moitié. Et c’est sans compter les répliques des acteurs qui sont souvent recto tono et qui amplifient de ce fait l’impression que le film est vraiment trop long.
En nomination aux Oscars dans la catégorie Meilleur film ? Il y a de quoi se poser des questions. Et que vient faire la dernière scène du film ? Si vous remarquez bien, l’auto rouge ressemble à celle du metteur en scène, mais n’a pas la même plaque minéralogique et en plus, la jeune femme conduit à droite, alors que durant tout le film elle conduisait à gauche. Et le chien, est-ce celui de la comédienne muette ? Dans Wikipédia, on précise que cette scène se passe en Corée du Sud. Ah bon ! Et comble d’invraisemblance, on se trouve en période COVID, car tout le monde porte un masque. Cherchez l’erreur. À moins que ce soit un appel du pied pour inciter des producteurs à investir dans un Drive My Car 2.
Autres petites erreurs ? La maison des parents de la conductrice ensevelie lors de l’attaque d’Hiroshima (1945) : on peut voir encore (nous sommes en 2014) le toit qui sort de terre ! Le metteur en scène amène ses comédiens répéter dans un parc face à la caméra et lui, derrière ! Vous en trouverez sûrement d’autres.
Film inspiré d’une nouvelle homonyme d’Haruki Murakami paru dans le recueil Des hommes sans femmes (2014).
Membre : Michel, Saint-Jean-sur-Richelieu
Hamaguchi, Ryûsuke. Drive My Car, Film japonais, 2021.