Bonjour à vous toutes et à vous tous,
Le Jeune homme (Gallimard, 2022) d’Annie Ernaux s’apparente plus à une novella (27 pages de texte) qu’à un roman. Comme toujours, le récit est écrit au « je » puisqu’il s’agit d’une autre fenêtre qu’ouvre sur l’intime l’écrivaine octogénaire française.
L’incipit se lit comme suit : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues. » Ou, encore, quelques lignes plus loin : « Souvent j’ai fait l’amour pour m’obliger à écrire. […] J’espérais que la fin de l’attente la plus violente qui soit, celle de jouir, me fasse éprouver la certitude qu’il n’y avait pas de jouissance supérieure à celle de l’écriture d’un livre. »
Fille d’épiciers-cafetiers d’Yvetot, Annie Ernaux avait 54 ans au moment de sa rencontre avec A. Son amant de 28 ans, natif de Normandie, vivait alors à Rouen, ville où, drôle de coïncidence, l’écrivaine avait étudié et où, fait encore plus étonnant, le logement de A. faisait face à l’Hôtel-Dieu où, à 23 ans, elle avait été hospitalisée à la suite d’un avortement clandestin qui avait mal tourné.
Ils se voient d’abord les fins de semaine, puis de plus en plus souvent. Tous deux, d’origine populaire, c’est peut-être, avec leur attirance sexuelle, l’un de leurs seuls points communs. Bien sûr, les gens jasent autour d’eux ; les amis de A. ne comprennent pas la relation qu’il entretient avec une femme qui pourrait être sa mère. « Il m’arrachait à ma génération mais je n’étais pas dans la sienne. » (p. 17) « Il était le passé incorporé », comme elle le dit si joliment page 21.
Les écrits d’Annie Ernaux ne comprennent aucune fioriture ni métaphore. Elle va droit au but, choisit parcimonieusement les mots qu’elle emploie, et même si tout part de sa personne – non, ce n’est pas du narcissisme –, elle englobe l’universel en parlant des femmes et de la société.
J’ai lu ce livre de manière distanciée. Pourquoi ? Parce qu’Annie Ernaux décrit ce qu’elle a vécu à la fin du millénaire sans pathos, sans regrets, mais de manière cérébrale. Je pense que son œuvre aura une influence certaine pour beaucoup d’entre nous.
Je vais maintenant poursuivre ma lecture avec L’Étreinte de Philippe Vilain (né en 1969), ce fameux « jeune homme » qui a donné, en 1997, sa version de sa relation avec Annie Ernaux. Je vous en reparle !
Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) présente, jusqu’au 28 août prochain, l’installation performative intitulée Musée d’art actuel / Département des invisibles (MAADI) dont le directeur général et conservateur en chef est nul autre que le polyvalent Stanley Février.
Pourquoi ce plasticien, né en 1976 à Port-au-Prince et qui travaille au Québec depuis 34 ans, a-t-il senti le besoin de créer son propre musée ? Parce qu’il y a sous-représentation d’artistes issus de minorités ethniques, de femmes ou de communautés autochtones dans les institutions muséales et les galeries d’art. Ainsi, en collaboration avec Laura Delfino, muséologue et commissaire invitée, et Iris Amizlev, conservatrice – Projets et engagement communautaires au MBAM, il a voulu donner une place de choix à 25 artistes québécois.
Ce qui rend le projet d’autant plus intéressant et assez unique, c’est que les 27 œuvres que l’on peut voir dans le pavillon Michal et Renata Hornstein – dans une petite salle située à la gauche de l’escalier monumentale menant à l’exposition L’Heure mauve de Nicolas Party –, font partie de la collection privée de Stanley Février.
En effet, depuis 2006, il acquiert des peintures, photographies, sculptures, vidéos, installations en tous genres auprès de talentueux créateurs, souvent restés dans l’ombre. Soyons honnête ! Peu de gens, moi la première, connaissent le travail de Clovis-Alexandre Desvarieux (dit Séadé) ou celui de Claudia Bernal ; de José Dupuis ou de Maria Ezcurra ; de Montserrat Duran Muntadas ou de My-Van Dam ; de Wilman Gomez Tamayo ou de Vanessa Suzanne.
Plusieurs sujets sont abordés ici qui portent à réfléchir sur les répercussions de certaines politiques dans notre quotidien, sur nos rapports à l’autre, à la famille, au temps, à la transmission, aux coutumes et aux rites ancestraux.
Les vendredis et samedis du mois de juin et de juillet, durant trois heures, de 14 h à 17 h, Stanley Février sera sur place « pour donner vie à l’installation », tandis que les jeudis et dimanches, de 14 h à 16 h, des guides-ressources du MBAM seront, et je cite, « présents au cœur de l’installation et participeront à l’aspect performatif de l’œuvre en interagissant avec les visiteurs de façon surprenante et ludique ». Intriguant, non ?
Avec la mise en espace de cette exposition, Stanley Février a posé un geste concret d’ouverture et de partage. J’espère que cette belle initiative en inspirera d’autres. Vive la diversité et l’équité !
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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,
Marie-Anne