Vivre vite
Giraud, Brigitte
L’amorce de la lecture d’un nouveau livre est toujours précédée d’informations, impressions, attentes influençant a priori la satisfaction éprouvée à l’égard des premières pages, des premiers chapitres : l’auteur (autrice) que je connais déjà ou pas, ce que j’ai entendu ou lu sur le livre, ses couvertures, les informations qu’on a choisi de nous donner pour nous convaincre de le lire (un des meilleurs écrivains de sa génération) et, bien sûr, les raisons variables et pas toujours rationnelles sous-jacentes au choix du livre retenu : essai, roman, reçu en cadeau, encensé par la critique, faut l’avoir lu absolument au cours de notre vie, s’est mérité un prix très convoité, etc. Il en est assurément ainsi pour tout le monde.
J’amorce donc Vivre vite de Brigitte Giraud, alimenté que je suis par le fleuve gonflé de notoriété du Goncourt qui impose une certaine pression à aller voir, même si la moyenne au bâton des Goncourt, pour moi, ne dépasse probablement pas les 50% de succès. Je dois d’emblée avouer que je craignais d’être déçu en raison de la trame basée sur le dépouillement par l’autrice de toutes les causes ayant pu aboutir à l’intolérable conclusion funeste. Je ne décrirai pas ici en détail le contenu. Plusieurs l’ont fait et très bien avant moi.
L’autrice (ne la connais pas) a perdu son mari il y a vingt-trois ans lors d’un accident de moto (c’est tragique, ce sera une lecture à coup sûr poignante) et nous sommes conviés à découvrir chacun des événements et des décisions ayant formé la chaîne menant à l’accident. Si, on le comprend assez rapidement, un seul des maillons de cette chaîne s’était détaché avant le moment fatidique (par exemple s’il avait plu cette journée-là) l’accident aurait été évité. Et Vivre vite n’aurait pas été écrit. Tous ces « si » sont connus dès le début du livre, un chapitre pour chacun des vingt-trois d’entre eux.
J’avais donc, disais-je, un pressentiment dès le début. Nous connaissons tous l’effet papillon, un battement d’aile peut entraîner une série d’événements menant à une tempête. L’image est universelle. Mais ici la fin est connue ! Ce n’est pas un roman. C’est effectivement tragique, triste et on ne peut humainement qu’être touché. Mais, dans mon cas, plus par empathie pour l’autrice que par le livre où je me sentais reprendre le même refrain à chaque chapitre. Ceci dit, ce n’est pas une lecture regrettée. On visite le Lyon d’il y a vingt ans, la vie sans cellulaire, la musique de l’époque, les aspirations sociales, mais ça demeurait trop linéaire pour moi. Il y manque cette autre dimension littéraire qui nous happe, nous interpelle et nous pousse à anticiper la suite, la finalité, le sens associé au livre.
Bon, bref, je n’ai pas détesté loin de là. Qui peut rester insensible à un tel récit ? Quant à sa consécration par le Goncourt il y a longtemps que j’ai lancé la serviette de comprendre ou de deviner ce qui lui est méritoire. L’an dernier, c’était un labyrinthe littéraire de près de 500 pages (La Plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr) et il y a deux ans, un polar paranormal (L’Anomalie d’Hervé Le Tellier). Cette année un récit qui m’a rappelé à plusieurs occasions combien la consécration d’Annie Ernaux par le prix Nobel était plus que méritée.
Membre : Daniel de Repentigny
Giraud, Brigitte. Vivre vite, Éditions Flammarion, 2022, 206 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.