Altan, Ahmet

L’auteur était rédacteur en chef d’un quotidien publié en Turquie. Le 15 juillet 2016, il est emprisonné ainsi que son frère ; en 2018, ils sont condamnés à perpétuité.
Ces 19 textes sont écrits alors qu’il est dans sa cellule. Je me permets de citer quelques titres : Le cimetière des dossiers roses ; Voyage autour de ma cellule ; Un rêve ; Les fées de la forêt et Le paradoxe de l’écrivain.
Dans « Le cimetière des dossiers roses », l’auteur raconte qu’après douze jours de cachots, son frère et lui, furent amenés au palais de Justice. Le procureur en place était celui qui avait signé l’ordre d’arrêt au motif qu’ils avaient adressés un message subliminal lors d’une émission de télévision. Ils sont amenés devant un juge qui laisse peu parler les avocats.
Ce jour-là, Ahmet est libéré, mais pas son frère. Lorsque les policiers l’accompagnent vers la sortie, ils traversent un couloir dans lequel gît des milliers de dossiers roses « remplis de noms, de trahisons, de crimes, de faillites, de divorces, de rixes ». « Quand mon pied écrase un dossier, une sensation désagréable m’envahit, comme si c’était un homme que je piétinais. »
Pour « Les fées de la forêt », Ahmet Altan raconte qu’il n’avait pas accès à la bibliothèque de la prison étant donné qu’elle était fermée. Il explique qu’il a toujours aimé lire. « Il suffit de poser le regard sur cette flopée de signes minuscules étalés sur le papier et aussitôt, ils s’animent, pétillent, changent de forme. » « J’ai passé toute mon enfance avec les fées de la forêt. Je m’étais habitué à les avoir auprès de moi, même dormant entre les pages, prêtes à danser à l’instant où j’ouvrirais le livre. » Par la suite, il nous parle de Tolstoï, Virginia Wolf, Balzac et de leur présence dans sa cellule.
Pour terminer, voici un extrait du « Paradoxe de l’écrivain » : « Un objet en mouvement n’est ni là où il est, ni là où il n’est pas. J’écris ces lignes depuis une cellule de prison : quel que soit le récit que vous décidez d’entamer par cette phrase, elle suffit déjà à lui imprimer une vitalité farouche, à le faire retentir des accents tragiques d’une voix qui crie hors des ténèbres, à lui donner pour héros un révolté aux poses solennelles, et enfin, sans en faire mystère, à attirer sur lui la compassion du lecteur. »
Un roman calme et une écriture forte. Un texte qui incite à la révolte et à la résilience. Un livre à lire et à aimer.
Prix André Malraux 2019, catégorie fiction engagée.
Membre : Pierre, Saint-Jean-sur-Richelieu
Altan, Ahmet. Je ne reverrai plus le monde, Éditions Actes Sud, collection Babel, 2019, 216 pages.