Schlink, Bernhard
Écoutez le coup de cœur d’un membre du Club des Irrésistibles lu parMarie-Anne Poggi.
Schlink, Bernhard. Olga, Éditions Gallimard, 2018, 2019, 267 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
Bonjour à vous toutes et à vous tous,
D’après les dires d’Éric Fottorino, Dix-sept ans (Gallimard, 2018) doit être lu comme un roman et non comme une autobiographie, car son contenu n’est vrai qu’à 20%. Nous voilà avertis. Plusieurs personnages sont inventés, des prénoms et noms de famille trafiqués, mais qu’à cela ne tienne, ces détails ne rendent pas moins intéressante sa lecture, même si le texte aurait pu être resserré.
Depuis bientôt trente ans, Éric Fottorino est en mode « quête » de ses origines familiales, en fait depuis la publication de Rochelle en 1991. Dix-sept ans pose ainsi une autre pierre à son édifice.
Dans ce livre, c’est comme si le narrateur – qui n’est pas non plus à 100% Fottorino – avait rempli une fiche où il avait inscrit des renseignements personnels : nom des parents, lieu de naissance, état civil, scolarité, etc., permettant ainsi à son passé de recomposer son présent.
C’est la première fois que l’écrivain consacre un livre à sa mère, Lina Labrie, née à Angoulême en 1943 et qui a mis au monde quatre enfants, issus de trois hommes différents.
Prenons par exemple Éric, le fils aîné, qui a eu deux pères : Moshé Uzan (père naturel), un juif marocain de 23 ans qui, fin des années 50, étudiait la médecine et Michel Signorelli (de son vrai nom de famille Fottorino), le deuxième mari de Lina, un Tunisien qui, le 17 février 1970, a reconnu Éric comme son fils.
Un tsunami survient un dimanche de décembre dans la vie d’Éric et de ses demi-frères, François et Jean, quand leur mère les invite chez elle à un repas familial. Elle désire à un moment donné leur parler en privé car, leur dit-elle, elle a quelque chose de très important à leur révéler : « Le 10 janvier 1963, j’ai mis au monde une petite fille. On me l’a enlevée aussitôt. Je n’ai pas pu la serrer contre moi. Je ne me souviens même pas de l’avoir vue. » Née dans une institution religieuse à Bordeaux, la petite a aussitôt été adoptée par une jeune femme. Nous n’en sommes qu’à la page 16.
Aujourd’hui, les fils (la quarantaine et la cinquantaine), apprennent qu’ils ont une demi-sœur. Consternation. Éric Fottorino, lui, vit un double désarroi : à la veille de remettre son manuscrit chez Gallimard, il se voit dans l’obligation de réécrire une partie de son livre à la lumière de ces nouvelles informations.
Dans la deuxième partie de ce roman qui en comporte quatre, Éric décide de partir à Nice, laissant derrière lui femme et enfants. Dans cette ville de la Côte d’Azur qui l’a vu naître le 26 août 1960, il n’a vécu que trois jours. Peu de temps après, il a été placé chez une nourrice durant des mois, avant que sa mère ne vienne le récupérer envers et contre tous.
Ainsi, lors de son séjour niçois d’un peu plus d’une semaine, le narrateur tente de trouver quelques réponses à ses nombreuses questions. Qui était réellement Lina Labrie à cette époque-là ? Y a-t-il des gens qui peuvent lui en apprendre un peu plus sur cette femme, forcée à l’âge de 20 ans, et ce, par sa propre mère, de signer un acte de renoncement à sa fille ?
Si je peux me permettre un petit conseil en terminant : lisez ce livre assez rapidement pour ne pas vous y perdre. Non pas que le récit ne soit pas fluide, mais plutôt pour bien saisir les liens qui unissent les uns aux autres.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
Le lundi 2 décembre, à Radio VM (91,3 FM), de 17 h 45 à 18 h, dans le cadre de Culture à la carte, je m’entretiendrai avec l’écrivain français Philippe Besson, qui nous parlera de ses trois romans autobiographiques publiés chez Julliard : Dîner à Montréal (2019), Un certain Paul Darrigrand (2018) et « Arrête avec tes mensonges » (2017).
Lundi dernier, je recevais la metteure en scène Angela Konrad et la jeune comédienne Alice Bouchard (qui joue le rôle de La Petite, en alternance avec Marion Vigneault), venues nous parler de la pièce Fleuve de Sylvie Drapeau, présentée au TNM jusqu’au 7 décembre 2019.
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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,
Marie-Anne
Ce roman, déjà mentionné à quelques reprises, a été une belle découverte même si j’avais l’impression de retrouver une histoire inspirée de L’Amie prodigieuse d’Elena Ferrante.
Maria de Santis l’héroïne nous raconte son histoire, de l’enfance à sa vie de jeune adulte. Élève douée qui se démarque surtout pas son écriture, elle s’éloignera de son milieu pour continuer ses études. Elle conservera toujours un attrait pour le milieu d’où elle est issue et surtout pour un certain ami d’enfance. Ses parents sont très fiers de Maria et rêvent pour elle d’une vie loin de leur pauvreté et de leur quartier. Saura-t-elle les combler ?
Même si la sensation de revivre un peu l’histoire de Lenù (héroïne de L’Amie prodigieuse) est toujours présente, le livre est captivant et décrit bien l’atmosphère de Barri. Il faut sans doute prévoir qu’il y aura une suite.
Titre original : Storia di una famiglia perbene
Membre : Westmount
Ventrella, Rosa. Une famille comme il faut, Éditions Les Escales, 2018, 2019, 282 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
C’est par un coup de téléphone brutal qu’Éric-Emmanuel Schmitt a appris le décès de sa mère âgée de 87 ans. Bouleversé par cette nouvelle et pour survivre à une douleur qui aurait pu être dévastatrice, il a décidé d’exprimer dans ce roman l’amour inconditionnel qui les unissait.
Pendant deux ans, un peu comme un journal intime, il va noter ses réactions au jour le jour et va tenter d’apprivoiser l’inacceptable. De l’église au cimetière, des placards à vider jusqu’aux idées noires, il nous fait partager cet indispensable « travail de deuil ».
Il évoque avec beaucoup d’amour cette mère championne de course à pied qui lui a tout appris et donné le goût pour le théâtre. L’intérêt de son ouvrage réside dans son aspect universel même si tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir un lien aussi fort avec sa mère.
Il explore avec réalisme le bonheur passé et la détresse du présent. Il est désormais un homme mûr qui est devenu « l’enfant de personne ». À force de vérité personnelle et intime, il transforme son expérience de la mort en une belle leçon de vie.
Un récit touchant qui nous parle aussi de la dualité des émotions : la tristesse et la joie, l’espoir et le désespoir, la foi et le doute.
Membre : France
Cette suggestion est proposée par un lecteur du Pays de Romans – France, membre du club de lecture Troquez vos Irrésistibles et partenaire du Club Les Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal.
Schmitt, Éric-Emmanuel. Journal d’un amour perdu, Éditions Albin Michel, 2019, 251 pages.
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Court roman intense, à la fois policier et psychologique. Biz nous convie à un chassé-croisé entre un couple fusionnel père-fille, solitaires tous les deux.
Un événement tragique les soudera, mais sauront-ils y faire face ? Impossible d’en dire plus, sinon ce serait dévoiler l’intrigue. Les médias ont également une forte influence sur la suite de la tragédie. À lire !
Membre : Laval-Vimont
Biz. Les Abysses, Éditions Leméac, 2019, 139 pages.
Ce grand écrivain, prix Nobel de littérature en 2003, nous emporte avec ce roman en Afrique du Sud, dans les larmes et l’enchantement.
David Lurie, professeur d’université, doit démissionner à la suite d’accusations de harcèlement sexuel et va rejoindre, dans une ferme isolée, le seul lien qui compte encore à ses yeux, sa fille Lucy.
La perte de l’espoir, la violence, la spirale vers le drame, les bouleversements sociaux, tout y passe…
L’auteur livre ici une grande, sombre et magnifique fresque qu’on ne pourra pas facilement oublier. Œuvre forte, à recommander quand on a le moral bien accroché.
Prix Booker en 1999.
Titre original : Disgrace
Membre : Île-des-Soeurs
Coetzee, John Maxwell. Disgrâce, Éditions du Seuil, 1999, 2001, 272 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
Beaucoup de choses ont déjà été dites à propos de ce roman dont l’histoire, fort intéressante, se situe dans le Sud de l’Italie. On fait la connaissance de La Revenue, cette jeune adolescente qui va découvrir sa « vraie famille », car depuis son jeune âge, elle a été élevée par Adalgisa et son mari.
Comment réagira-t-elle à sa nouvelle vie ? Va-t-elle s’adapter ? Comment vont se comporter ses frères et sa sœur devant cette nouvelle venue ? Ses parents biologiques sont moins en moyen que ses parents d’adoption. La Revenue est intelligente, remplie de potentiel, mais pourra-t-elle continuer d’apprendre, d’évoluer au sein de cette société ?
Roman très bien traduit par Nathalie Bauer, mais si vous avez la chance de le lire dans sa langue originale, vous savourerez toute la beauté de la langue italienne.
Titre original : L’Arminuta
Membre : Rimouski
Di Pietrantonio, Donatella. La Revenue, Éditions du Seuil, 2017, 2018, 237 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
J’ai lu ce livre avec beaucoup d’intérêt, mais malheureusement je l’ai laissé en France et je ne l’ai pas sous les yeux pour en parler avec exactitude. J’en conseille quand même chaleureusement la lecture. Si les auteures italiennes font parler d’elles en cette année littéraire… c’est qu’elles ont beaucoup à dire !
Babelio : « Dans la ville de Bari, au sud de l’Italie, tout le monde connaît Maria sous le nom de « Malacarne » (mauvaise chair), un surnom que lui a donné sa grand-mère en raison de sa peau foncée et de sa nature impulsive qui la distinguent des filles de son âge. En 1984, Maria a neuf ans et grandit dans une famille pauvre, entourée de sa mère douce mais effacée et de son père violent et autoritaire. C’est auprès de son ami Michele, lui aussi en retrait de la vie de son quartier, qu’elle trouve refuge. Entre vieilles rancunes familiales et déterminisme social, Maria va devoir se battre pour s’affranchir et réaliser ses rêves. »
Titre original : Storia di una famiglia perbene
Membre : Outremont
Ventrella, Rosa. Une famille comme il faut, Éditions Les Escales, 2018, 2019, 282 pages.
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On retrouve dans ce livre le talent de l’auteur, son rythme et sa lucidité. Un autoportrait tout en dérision.
Paul, alter ego d’Olivier Adam, hypersensible est revenu s’installer à St-Malo, naviguant entre crises personnelles et sociales. On s’amuse à lire le portrait de l’écrivain raté qui cumule des problèmes familiaux.
À la toute fin d’Une partie de badminton, Manon, la fille de Paul, lance à son père que « la vie est un sacré sac de nœuds ». C’est un bon moment de lecture !
Abonnée : bibliothèque Germaine-Guèvremont
Adam, Olivier. Une partie de badminton, Éditions Flammarion, 2019, 377 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
Les Alter qui vivent à Saint Louis, ville universitaire, sont à l’image de la société américaine : contradictoires, engagés, détraqués et passionnés…
J’ai plongé dans cette histoire de famille qui parle de deuil, de pardon et de reconstruction. Un premier roman vraiment réussi que je vous invite à découvrir. L’auteur a du souffle, beaucoup d’humour et nous livre ici un beau portrait d’une famille et de la société américaine. Famille dysfonctionnelle, je t’aime !
Membre : France
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Ridker, Andrew. Les Altruistes, Éditions Rivages, 2019, 432 pages.
Bonjour à vous toutes et à vous tous,
J’ai beaucoup apprécié ma lecture du dernier Olivier Adam, Une partie de badminton (Flammarion, 2019) qui se déroule en Bretagne, dans une station balnéaire, plus précisément à Saint-Lunaire, de l’autre côté de La Rance.
La famille Lerner est de retour à Saint-Malo, après cinq ans à Paris. Prenons Paul, le narrateur (alter ego de l’auteur) aujourd’hui âgé de 45 ans. Son corps part en vrille, ce qui ne l’empêche pas de fumer et de boire, mais la dégringolade ne s’arrête pas là. Cet écrivain qui a connu de très jolis succès au début de sa carrière est en panne sèche. Pour gagner sa croûte, il travaille pour le journal local, L’Émeraude, où il écrit des articles sur différents sujets. Ce n’est pas la joie !
Sarah Nolin, compagne de Paul des vingt dernières années et mère de Manon et de Clément était professeure en Seine-Saint-Denis. Elle enseigne maintenant dans un collège de la banlieue de Rennes ainsi qu’à Cancale « aux réfugiés que la mairie logeait dans un ancien centre de vacances ». Elle passe donc beaucoup de temps à se déplacer, mais pas assez pour justifier ses retards de plus en plus fréquents au domicile conjugal.
Clément, garçon de 10 ans hypersensible et empathique, s’accommode sans peine de son nouvel environnement – surtout qu’il peut pratiquer son bodysurf. Il en va tout autrement de sa sœur Manon, adolescente de 16 ans, qui vit très mal ce transfert Paris-Saint-Lunaire, d’autant qu’elle a laissé derrière elle son amoureux.
Viennent se greffer à cette famille, qui n’a pas encore trouvé tout à fait ses points de repère, plusieurs personnages qui changeront le cours de leur vie. Olivier Adam aborde des thèmes actuels, qu’il s’agisse de promoteurs qui ne pensent qu’à leur portefeuille, d’écologie qui rime rarement avec économie, de la montée de la droite, des néonazis, mais aussi de relations extraconjugales qui vont chambouler la vie de bien des gens, de vérités qui vont éclater, de secrets enfouis qui vont ressurgir…
Crayon aiguisé, analyse très juste et sensible, l’auteur de 45 ans a croqué de très belle façon un point de bascule dans la vie des Lerner. Le portrait dressé de cette famille qui est en plein bouleversement est un peu le reflet de la France de ces dernières années.
Le lundi 28 octobre, à Radio VM (91,3 FM), de 17 h 45 à 18 h, dans le cadre de Culture à la carte, je m’entretiendrai avec Sylvain Bélanger, directeur artistique et codirecteur général du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, qui nous parlera des deux pièces qui prendront l’affiche dans les prochaines semaines et de l’avancement des travaux effectués dans le cadre du 50e anniversaire de l’institution montréalaise.
Lundi dernier, je recevais Laura Vigo, conservatrice de l’art asiatique et de l’archéologie au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) et commissaire, pour sa présentation montréalaise, de l’exposition Momies égyptiennes : passé retrouvé, mystères dévoilés, présentée jusqu’au 2 février 2020.
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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,
Marie-Anne
Comment ne pas aimer ce roman d’une auteure italienne que je ne connaissais pas ? Une chose est certaine, après ma lecture d’Une famille comme il faut, premier roman de Rosa Ventrella traduit en français, je vais suivre le parcours de cette écrivaine née à Bari et qui vit à Crémone.
Comme Marie-Anne, je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement avec L’Amie prodigieuse d’Elena Ferrante de par son sujet et le lieu de l’action, soit le sud de l’Italie. Mais là s’arrête la comparaison.
Plusieurs familles vivent dans le quartier de Bari, dont les De Santis. Le père est pêcheur, la mère a élevé ses trois enfants, dont la petite Maria qui, en 1984, n’a pas encore dix ans et qui s’est vue affublée du surnom de « Malacarne », soit « mauvaise viande ». Gravitent autour d’elle ses parents, ses frères, sa mamie Antonietta, son ami Michele Senzasagne, ses camarades de classe et quelques autres.
J’ai presque lu d’une traite ce livre auquel je souhaite une suite.
Titre original : Storia di una famiglia perbene
Membre : Montréal
Ventrella, Rosa. Une famille comme il faut, Éditions Les Escales, 2018, 2019, 282 pages.
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« Le but est le chemin » dit un proverbe bouddhiste. Ce n’est pas le point d’arrivée qui est important mais le parcours. Il en va ainsi dans les romans d’Aki Shimazaki. On sait qu’on arrivera quelque part, mais rien ne nous bouscule. On ralentit le pas et on marche tranquillement sur le chemin du récit. Pendant quelque temps, on cheminera en douceur sur des routes secondaires. On se plaît à apprécier les paysages et à apprendre la culture nippone, en particulier l’art de la poterie.
Contrairement à la lecture d’un polar, où on tourne avidement les pages, nous lisons Suzuran lentement, nous attardant sur les courtes phrases pour goûter la finesse de l’écriture. Certes, il y a une intrigue prenante mais pas de coups de tonnerre, du moins au début. Si les premières pages sont une randonnée paisible dans le quotidien d’Anzu, au fur et à mesure que l’intrigue se construit, notre lecture s’accélère jusqu’au dénouement imprévisible.
Comme dans les 15 romans précédents, l’écriture d’Aki Shimazaki est minimaliste, « son style est d’une simplicité bouleversante, sans lyrisme » (Josée Lapointe, La Presse, 15 novembre 2015). Tout est dans la sobriété sans platitude, dans la tendresse sans mièvrerie, dans la délicatesse et l’harmonie, dans la routine quotidienne sans banalité, quoique cela dépend de la définition du mot banalité.
Dans le tarot zen, la banalité est la « lame qui nous montre que la beauté peut être trouvée dans les choses simples de la vie […] prendre les choses à l’aise simplement et avancer pas à pas ». Si on suit cette prescription d’inspiration bouddhiste, alors oui, les romans d’Aki Shimazaki tiennent de la banalité mais sans monotonie car, malgré le ton calme, il y a des imprévus et des découvertes surprenantes dans la vie des personnages de ce roman.
Ici, nous faisons la connaissance d’Anzu qui vit au Japon près de la mer au pied du mont Daisen. Dans cette petite ville, elle trime durement pour gagner sa vie et subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de son garçon qu’elle élève seule(1) en exerçant l’art de la poterie, sa véritable passion, initiée par son grand-père.
C’est presque le journal intime(2) d’une femme déterminée qui nous raconte sa vie, au jour le jour. Nous sommes témoins, presque voyeurs, de ses premiers émois amoureux et de ses déceptions sentimentales dont nous ressentons toute l’amertume ; de ses journées épuisantes ; de son divorce qu’elle a elle-même entrepris ; de ses démêlés avec sa sœur qui l’a trahie et pour qui la séduction est un jeu ; de son attirance pour le fiancé de sa sœur ; de ses retrouvailles avec un ancien amoureux. Nous saluons son aplomb et sa détermination à prendre sa vie en main et à faire un succès de sa boutique de poterie et nous applaudissons alors qu’elle obtient la reconnaissance pour ses œuvres, quand elle gagne des prix prestigieux.
En japonais, Suzuran signifie muguet. Le roman porte bien son nom. Le muguet, fleur aux petits pétales blancs en forme de clochettes est un parfum muet en parfumerie, puisqu’il ne donne pas son essence. Pourtant, il suffit de quelques branches qu’on agite un peu pour dégager son odeur délicate et musquée. Ainsi, il suffit de peu de mots à Aki Shimazaki pour évoquer l’atmosphère, les émotions, la nature, les personnages, les replis de l’âme. On dit que le muguet est le « symbole du bonheur retrouvé ; la fin de la rudesse de l’hiver et le retour des jours heureux ». Est-ce le destin d’Anzu ?
En terminant ce premier livre d’un nouveau cycle, on n’est pas sans se demander quel personnage de ce roman deviendra l’acteur principal du prochain titre. Aki Shimazaki a l’habitude de nous réserver des surprises dans les écrits de ses cycles romanesques.
Un conseil : il ne faut pas lire ce roman dans le bruit, comme tous les autres de cette auteure. Quand on fait silence autour de soi, on peut entendre la musique des mots et laisser place à leur pouvoir évocateur : « Un vent tiède souffle. Je me tourne vers la mer du Japon. Le soleil couchant commence à disparaître à l’horizon. Les nuages éparpillés sont teintés d’écarlate. Il fera beau demain aussi. Au loin à droite se dresse le mont Daisen au sommet enneigé. Le paysage est toujours paisible comme si le temps ne passait jamais ici… »
1. Il y a souvent des mères monoparentales dans les romans d’Aki Shimazaki. On ignore si cela est de caractère autobiographique, car c’est une écrivaine discrète, fuyant les mondanités et les salons littéraires. Elle demeure mystérieuse. On sait qu’elle est née au Japon en 1954, qu’elle a immigré au Canada en 1981 et qu’elle vit à Montréal depuis 28 ans. Elle a appris le français, sa langue d’écriture, à l’âge de 40 ans. Sa maîtrise et la qualité de son écriture n’en sont que plus remarquables.
2. Le style des romans d’Aki Shimazaki est sans doute inspiré du genre littéraire japonais Watakushi shosetsu où l’écriture est souvent sur le mode de la confession et habituellement écrit à la première personne.
Membre : Monique L. de Cookshire-Eaton
Shimazaki, Aki. Suzuran, Éditions Léméac, Actes Sud, 2019, 176 pages.
Carlo traverse une crise. Sa femme l’a quitté il y a deux ans et il peine à retrouver une vie normale. Heureusement il a son employé. Force de la nature, ancien professeur de français au Kosovo, il s’est reconverti dans l’entretien des jardins lorsqu’il a compris que les mots ne suffisaient plus. Mais il vient de se faire agresser.
Et pour finir, l’établissement de retraite qui héberge sa mère vient de lui signaler sa disparition. Il se lance à sa recherche et la retrouve dans un ancien palace, le Grand National, palace qui fut important dans sa vie de jeune fille. Carlo va découvrir alors quelques moments de la vie de sa mère.
Il est dommage que ce fils n’aille pas au bout de sa relation avec elle. Qu’est-ce qui le retient ? Son employé parvient naturellement à tisser un lien et finalement son personnage semble bien plus abouti humainement.
Membre : France
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Buti, Roland. Grand National, Éditions Zoé, 2019, 160 pages.
Un chef-d’oeuvre. L’histoire commence en 1875 avec Luciano et prend fin dans les années 80 avec Anna. Entre les deux ? Des hommes et des femmes qui, littéralement, à la sueur de leur front, ou plus exactement de leur corps, essaient de faire tout ce qu’ils peuvent pour survivre sur cette terre de pierres.
Mais il n’y a pas que la douleur. Il y a aussi des joies, des bonheurs qui coulent dans leurs veines comme l’huile d’olive éternelle : dorée, chaude, essentielle. C’est ce qui donne du sens à leur vie. C’est Anna qui, à la fin, résume parfaitement ce roman : « Rien ne rassasie les Scorta ».
Membre : Rosemont
Gaudé, Laurent. Le Soleil des Scorta, Éditions Actes Sud, 2004, 246 pages.
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Cinq personnages principaux constituent la trame de ce roman : Claire Farel, brillante intellectuelle féministe, Jean son ex-mari, journaliste politique vedette de la télévision, leur fils Alexandre, étudiant brillant promis à un bel avenir, et enfin Adam Widman, le nouveau compagnon de Claire et père de Mila.
Karine Tuil, à travers eux, brosse un portrait d’une certaine France contemporaine, celle du monde du pouvoir et des élites intellectuelles. Son analyse est fine, souvent critique et mordante. Au fil des Choses humaines, porté par une écriture précise et dense, la tension monte.
Elle ajoute au fur et à mesure des éléments qui font que l’on ne peut plus lâcher le roman. Au bout de cet engrenage, nous sentons qu’une déflagration va percuter ces personnages, les faisant dévier de leur trajectoire initiale. Cet obstacle va révéler des vérités profondes qu’ils tentaient jusqu’à présent de dissimuler.
J’ai beaucoup aimé ce récit parce qu’il parle du destin et des rapports de pouvoir dans la société, mais également dans la sphère privée. L’écriture est magistrale, vive et ne laisse jamais de répit. Fiction et réalité se mélangent admirablement.
Karine Tuil a l’art de saisir notre monde actuel dans sa vérité mais aussi dans sa cruauté. Elle démonte les mécanismes de la machine judiciaire et dresse un sévère constat de l’ambition, du pouvoir et des réseaux sociaux.
Membre : France
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Tuil, Karine. Les Choses humaines, Éditions Gallimard, collection Blanche, 2019, 352 pages.
Isabelle Carré est connue comme une interprète française talentueuse qui a remporté en 2003 le César de la meilleure actrice, ainsi que le Molière de la meilleure comédienne à deux reprises.
En 2018, paraît son premier roman inspiré de son histoire familiale. Quand l’enfance a pour décor les années 70, tout semble possible. Mais pour cette famille de rêveurs un peu déglinguée, le chemin de la liberté est périlleux. Elle nous fait découvrir le monde compliqué des adultes qui l’entourent, leurs douloureuses métamorphoses et aussi la force et la fragilité d’une jeune fille que le théâtre va révéler à elle-même.
Je vous propose de découvrir cette histoire touchante au passé difficile qu’elle raconte simplement avec beaucoup de talent.
Les Rêveurs a remporté le Grand Prix RTL-Lire, le Prix des lecteurs de L’Express, le Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro en 2018 et a été sélectionné en 2019 pour le Prix des lecteurs.
Membre : lectrice de Verdun
Carré, Isabelle. Les Rêveurs, Éditions Grasset, 2018, 304 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
Merci à tous ceux et à toutes celles qui ont suggéré la lecture de ce roman qui s’est mérité en 2017 le prix Campiello. C’est une très belle découverte pour moi. Je vais assurément suivre le parcours de cette auteure italienne née en 1963.
La Revenue du titre est une jeune adolescente de 13 ans. Obligée de retourner vivre dans sa famille biologique, elle laisse derrière elle Adalgisa et son mari qui en ont pris soin depuis qu’elle a six mois. Pourquoi nous demandons-nous ? Nous le découvrirons au fil des 237 pages.
De fille unique, La Revenue apprend qu’elle a des frères et une sœur, mais ce n’est pas tout. De plus, elle se retrouve dans un appartement alors que jusque-là elle vivait dans une maison située non loin de la mer ; elle n’a plus sa « chambre à soi » ; sa « vraie » famille parle le dialecte qu’elle ne maîtrise pas, etc.
Les deux seules personnes qui vont lui permettre de passer au travers de cette nouvelle vie, pour ne pas dire de cette épreuve : Adriana, sa sœur, et Mme Perilli, sa professeure, qui a vu l’intelligence chez cette jeune fille. Elle va tout faire pour l’aider à poursuivre ses études.
À lire sans aucune hésitation !
Titre original : L’Arminuta
Membre : Montréal
Di Pietrantonio, Donatella. La Revenue, Éditions du Seuil, 2017, 2018, 237 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
« Maman est morte ce matin et c’est la première fois qu’elle me fait de la peine. »
Ce n’est pas un roman, mais un cri d’amour d’un fils envers sa mère. Écrit avec authenticité, c’est avant tout un hymne à la vie. On épouse la tristesse et la détresse de l’auteur dans ces moments pénibles à traverser.
Chacun de nous a vécu cette lourde épreuve de perdre un être cher et a sa manière d’arriver à retrouver la joie de vivre.
Le témoignage personnel d’Éric-Emmanuel Schmitt fait grand bien. Très bel hommage à sa mère. À lire !
Abonnée : bibliothèque Germaine-Guèvremont
Schmitt, Éric-Emmanuel. Journal d’un amour perdu, Éditions Albin Michel, 2019, 251 pages.
Les parents de Laura sont séparés. Elle vit avec sa mère qui fait une dépression. La vie finit par arranger les choses. Une histoire moderne, simple.
Un roman pour les adolescentes.
Abonnée : bibliothèque Germaine-Guèvremont
Turcot, Louise. Laura, Éditions Québec Amérique, collection Titan jeunesse, 2017, 167 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.