Bonjour à vous toutes et à vous tous,
Pourquoi ai-je décidé de lire Guerre (Gallimard, 2022) de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), alors que ce n’est pas un auteur que je fréquente ? Pour être honnête avec vous, je n’en sais rien. Et encore moins après avoir refermé le livre que j’ai lu presque dans son entièreté à voix haute.
Ai-je été emportée par l’effervescence qui entourait la découverte, entre autres, de ce manuscrit volé il y a 80 ans à son domicile de la rue Girardon au moment de la libération de Paris en 1944 ? Possiblement ! Céline avait fui la capitale avec sa deuxième femme, Lucette Destouches, née Lucie Almansor (1912-2019), et leur chat Bébert, en laissant tout en l’état, de peur d’être rattrapé pour son antisémitisme.
Est-ce que je regrette mes quelques heures de lecture ? Non, mais j’avoue avoir été beaucoup plus intéressée par l’avant-propos de François Gibault, les notes sur l’édition établies par Pascal Fouché, les six feuillets choisis du manuscrit (voir la graphie en patte de mouche de Céline, c’est quelque chose) et par la section intitulée : « Guerre dans la vie et l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline ».
« Guerre a été transcrit d’après un manuscrit de premier jet, le seul connu, qui comporte de nombreux repentirs et ratures et dont certaines pages ont fait l’objet de corrections. Le texte présenté ici en restitue le dernier état de rédaction, à l’exception de quelques rares cas où une correction illisible a pu être remplacée par la version précédente. » (p. 19)
Si vous êtes parmi les familiers de Céline, lire Guerre vous intéressera d’autant plus que le roman était l’un des chaînons manquants entre Voyage au bout de la nuit (1932) et Mort à crédit (1936).
L’écrivain français utilise abondamment le point de suspension. Il a aussi des formulations qui lui sont propres : « J’ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête » (p. 26) et emploie souvent des mots argotiques (« chiard » pour enfant, « fafiot » pour billet de banque, « foiron » pour postérieur, « pompier » pour fellation). Les spécialistes et/ou les amoureux de son œuvre pourront établir si Guerre est dans la lignée de ses autres romans, ce que je ne peux évidemment pas faire.
Voici exemple d’un dialogue pour vous donner une idée du ton : « Non je la fermerai pas, non je la fermerai jamais sale raclure de charogne… toi-même. J’aimerais mieux bouffer des chiots tu m’entends. J’aimerais mieux qu’on m’ouvre le bide avec une clef à sardine que de la fermer à cause de toi… » (p. 115)
Par contre, je peux affirmer avoir trouvé insupportable le traitement réservé aux femmes, la façon dont Ferdinand se conduit avec ses parents, le langage très cru utilisé pour parler de sexe (il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup)… J’ai donc lu Guerre sur le pilote automatique.
La quatrième de couverture résume mieux que je ne saurais le faire le sujet de ce livre : […] On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu’à son départ pour Londres. À l’hôpital de Peurdu-sur-la-Lys, objet de toutes les attentions d’une infirmière entreprenante, Ferdinand, s’étant lié d’amitié avec le souteneur Bébert, trompe la mort et s’affranchit du destin qui lui était jusqu’alors promis… »
On nous annonce pour la rentrée littéraire de septembre la publication de d’autres textes « issus des manuscrits », dont celui de Londres qui « constitue, à l’évidence, une suite de Guerre dont le dernier chapitre relate le départ du narrateur pour Londres, à l’invitation d’un riche major britannique, amant occasionnel d’Angèle, ancienne maîtresse de Cascade… » À suivre avec ou sans moi !
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
Après nous avoir offert de février à mai dernier Dévoilements narratifs de l’artiste vancouverois, Stan Douglas, la Fondation PHI pour l’art contemporain qui fête ses 15 ans d’existence, frappe un autre grand coup en présentant la première exposition individuelle au Québec de l’incomparable Yayoi Kusama.
La directrice de la Fondation PHI, Phoebe Greenberg, et l’infatigable Cheryl Sim, directrice générale, conservatrice de la Fondation PHI et commissaire de l’exposition, nous font le cadeau de la très ludique exposition DANCING LIGHTS THAT FLEW UP TO THE UNIVERSE [Un ballet de lumières envolées dans l’univers], présentée gratuitement jusqu’au 15 janvier 2023.
Avant-gardiste, touche-à-tout (dessinatrice, peintre, sculptrice, écrivaine, performeuse…), Kusama, née à Matsumoto, est la plus jeune d’une famille aisée de quatre enfants. Ses parents ont fait fortune en gérant une pépinière ce qui, dans une certaine mesure, influença quelques-unes de ses réalisations. Malgré le fait que sa mère n’était pas du tout en faveur de l’orientation artistique que prenait sa fille, celle-ci a persisté et a connu, au fil des ans, une carrière internationale, dont la cote ne cesse de grimper. Malgré ses 93 ans, Kusama peint toujours.
Au 451, rue Saint-Jean, l’exposition se déploie sur trois étages : dès la première salle, on peut voir ces étonnantes Pumpkins [Citrouilles] (2016), trois bronzes polis de dimensions différentes. On pourrait se dire que ce ne sont que des courges, mais derrière la matière, il y a beaucoup plus. Ressort dans le travail de Kusama une philosophie de vie qui nous oblige à nous poser plusieurs questions dont celle de notre place dans l’Univers.
Au deuxième, nous attend une belle surprise. En fait, non, deux belles surprises : The Universe as Seen from the Stairway to Heaven [L’Univers vu des portes du paradis] (2022) et My Evanescent Dream Within a Dream [Mon rêve évanescent dans un rêve] (2022). Si l’infini existe, il se trouve dans ces petites structures en forme cubiques où l’on peut se percevoir dans cinq miroirs. Cela m’a rappelé quand, enfant, je jouais avec un kaléidoscope où l’on voyait à travers l’objet des myriades de formes et de couleurs différentes.
Un étage plus haut, 29 photographies sont reproduites sur les murs représentant Yayoi Kusama de 1939 (à dix ans) jusqu’en 2020, aux côtés des membres de sa famille, dans son atelier new-yorkais ou celui de Tokyo… Sur place, on peut également feuilleter cinq ouvrages pour en savoir un peu plus sur le travail de l’artiste multidisciplinaire.
Puis, on se rend au 465, rue Saint-Jean qui présente, dans la première salle, huit acryliques sur toile, d’une dimension de 194 x 194 cm, disposées en mosaïque. Cette série de tableaux intitulée My Eternal Soul [Mon âme éternelle] (2013 à 2016) révèle, sous une forme d’art naïf – dans le bon sens du terme –, une certaine fragilité de Kusama. Prenez le temps de lire le titre des œuvres dont certains mots reviennent comme un leitmotiv.
Et pour terminer notre visite, INFINITY MIRRORED ROOM – DANCING LIGHTS THAT FLEW UP TO THE UNIVERSE [Un ballet de lumières envolé dans l’Univers] (2019) et Infinity Mirrored Room – Brilliance of the Souls (2014) deux installations remplies de boules multicolores, deux salles dans lesquelles nous pénétrons durant le temps d’un sablier, où « l’illusion d’un espace infini » nous hypnotise grâce, entre autres, à l’utilisation de miroirs. L’effet est féerique !
On sort de l’exposition le sourire aux lèvres, le corps plus léger et les yeux plein de couleurs. Allez-y en famille, succès assuré auprès de votre progéniture.
Attention ! Comme les oeuvres de l’artiste japonaise attirent les foules, vous devez réserver l’heure à laquelle vous irez au 451 et au 465, rue Saint-Jean dans le Vieux-Montréal. Il faut faire vite, car tous les billets jusqu’au 31 juillet se sont envolés en deux temps trois mouvements. C’est à chaque 15 du mois que d’autres sont remis en circulation, il faut donc être aux aguets.
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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,

Marie-Anne