Bonjour à vous toutes et à vous tous,
Le McCord présente Piqutiapiit – ce qui veut dire « chose précieuse » en inuktitut – jusqu’au 21 août 2022. De quoi s’agit-il ?
Niap (nom d’artiste de Nancy Saunders), est née à Kuujjuaq, au Nuvavik, en 1986. Invitée par le musée dans le cadre du programme « Artiste en résidence », l’artiste inuite aux multiples talents, a pigé, avec la complicité de Jonathan Lainey, conservateur, Cultures autochtones, dans ce qu’offre la collection du McCord. Le choix de Niap s’est porté sur « le raffinement et la féminitude des objets traditionnels » de sa communauté.
Ce programme, qui en est déjà à sa 8e édition, pourrait se définir comme un trait d’union entre ce que réalise l’artiste en résidence et la collection du musée. Nous pouvons donc contempler l’œuvre perlée, Piqutiapiit (2022), créée spécifiquement pour l’occasion par Niap, soit un vêtement qui n’est pas destiné à être porté, mais qui, accroché à un cadre de bois fixé au mur, se veut plutôt un hommage au perlage des femmes inuites.
Piqutiapiit est fait de plusieurs matériaux : perles de verre, d’eau douce, de laiton et de turquoise, andouiller de caribou, feutre, suède, fourrure, dents d’animaux… qui ont été trouvés, entre autres, dans des brocantes. En face de cette réalisation, un très joli amauti, un manteau de jeune fille fait de fourrure de caribou, propre aux Inuits.
Au départ, précisait Niap, elle voulait en produire trois pour le musée, mais jamais elle n’aurait cru que cela allait nécessiter autant de temps, soit six mois de labeur pour n’en réaliser qu’un, qu’elle a d’ailleurs terminé avec l’aide de sa cousine. Elle a donc revu son objectif. Le perlage n’est pas simple : cela demande de la concentration et de l’endurance physique puisque tout est fait main et que les gestes sont répétitifs.
Une courte vidéo clôt le parcours où l’on voit Niap installée à sa table de travail dans son appartement montréalais qui nous parle du procédé du perlage. Que de talent et d’ingéniosité !
L’exposition comporte également 25 objets : une lampe à huile en pierre à savon (qulliq) qui servait à éclairer et à chauffer un intérieur ; des couteaux traditionnels à la culture inuite (ulu) pour couper la viande et/ou les peaux d’animaux dans la fabrication de vêtements ; quelques grattoirs, dés à coudre, aiguilles, peignes en ivoire… ainsi que sept reproductions photographiques en noir et blanc de jeunes filles et de femmes inuites.
Le 11 juin prochain, une initiation au perlage sera donnée par Niap. Vous trouverez plus d’informations sur le site Web du musée. N’oubliez pas, il faut aussi réserver l’heure de sa visite.
En terminant, si Niap s’est inspirée de ce que la collection du musée mettait à sa disposition, moi, je l’ai été par son travail tout en finesse.
Vous arrive-t-il de sortir d’une exposition déstabilisé(e) et envoûté(e) à la fois ? C’est précisément ce que j’ai vécu jeudi dernier lors de ma visite au Musée McCord qui présente jusqu’au 18 septembre prochain, JJ Levine : Photographies queers.
J’ai été littéralement hypnotisée et bousculée devant plusieurs des 52 épreuves chromogènes en couleur de grands formats, prises par l’artiste montréalais JJ Levine qui s’est vu offrir sa première exposition solo dans un musée.
Le McCord, qui a fêté ses 100 ans d’existence à l’automne 2021, « documente principalement l’histoire sociale de Montréal, mais également celle du Québec et du Canada ». Le musée poursuit ici sa mission de découvertes avec cette formidable exposition dont le commissariat a été confié à Hélène Samson, conservatrice Photographie au Musée.
En complément des photographies, on peut regarder trois petites vidéos (un film Super 8 et deux 16 mm) de quelques minutes chacune et, en fin de parcours, une entrevue de moins de dix minutes réalisée par Tomi Grgicevic au mois d’octobre 2021 qui explique le processus créatif de JJ Levine. Très instructif !
Par quoi commencer ? Déjà par tenter de maîtriser la terminologie de certains mots : « queer », « transgenre », « cisgenre », « binaire », etc. Si, au XVIIe siècle, le terme anglais « queer » signifiait « une personne étrange, excentrique, bizarre » à quoi fait-il référence en 2022 ?
Étoile montante de la photographie, JJ Levine, trentenaire trans, a fait ses études universitaires à Concordia où il a obtenu « une maîtrise en beaux-arts, avec une concentration en photographie ». Père d’une jeune fille prénommée Joah, dont on voit dans les salles quelques portraits à des âges différents, comme c’est le cas de certains membres de sa famille biologique et surtout d’ami(e)s de sa famille élargie qu’ils-elles soient gai(e)s, lesbiennes, bisexuel(le)s, hétérosexuel(le)s… L’artiste créatif se met aussi occasionnellement en scène et utilise, pour ce faire, un déclencheur automatique.
JJ Levine travaille avec de la pellicule, n’utilise pas le numérique et encore moins Photoshop. Il ne fait aucune manipulation ni retouche aux corps et aux visages photographiés. Par contre, il joue avec divers accessoires tels perruques, vêtements et maquillage.
Pour chaque photographie dont le « shooting » peut prendre de 4 heures à 4 jours, il plante son décor – la majorité du temps dans les appartements de ses ami(e)s éclairés avec une lumière équivalente à celle d’un studio. Il choisit accessoires et meubles, parfois rétro, parfois vintage, décide du faciès (yeux ouverts ou fermés, par exemple) et de l’expression du sujet.
Ceci étant dit, il faut être très attentif, car derrière un cliché que l’on pourrait qualifier de style classique, se cache une matière riche et originale. Plus on regarde un portrait, plus on découvre quelque chose d’inusité.
L’exposition propose donc trois séries :
1- Portraits queers/Queer Portraits
Projet qui a vu le jour en 2006, il se poursuit encore aujourd’hui. Cette section, qui est l’épicentre de l’exposition, compte 27 photographies. Au-dessus de chacune est inscrit le prénom de la personne photographiée. Elles représentent en majorité des amis queers de JJ Levine qui sont soit en couple ou célibataire, qui ont des enfants ou non. On peut également voir quelques portraits d’Hubert, son compagnon actuel, ou de son ex, qui a porté leur fille.
2- Seul ensemble/Alone Time
Ce qui est fascinant dans cette série de 11 portraits commencée il y a 15 ans, c’est que « chaque couple [hétérosexuel] est en fait composé d’un seul sujet jouant à la fois les personnages masculin et féminin », et ce, grâce à un photomontage. Sincèrement, j’ai été incapable de déterminer qui « tenait » le rôle de la femme et/ou de l’homme. Hallucinant !
3- Permutations/Switch, comprend 14 photographies, des diptyques.
Chaque diptyque met en scène, dans des postures différentes, un homme et une femme. Ce qui rend l’expérience unique, c’est qu’en regardant l’autre photographie, celui qui était homme est maintenant habillé et maquillé en femme et vice versa. Comme disait le Capitaine Bonhomme : « Les sceptiques seront confondus ».
Ici aussi, il est difficile de départager qui est « réellement » du genre masculin ou féminin. Ce qui nous amène à réfléchir sur la perception que nous avons les uns des autres, sur l’illusion que créent parfois certaines attitudes et sur les préjugés encore présents dans notre société que l’on dit pourtant tolérante.
En terminant, si l’idée vous prenait, après avoir vu cette fabuleuse exposition, de vouloir vous faire tirer le portrait, soyez avertis que JJ Levine refuse toutes demandes, sauf celles de son cercle d’intimes. Ce n’est certes pas par snobisme ou par manque d’intérêt, mais, d’après ses dires, il lui est plus facile de travailler avec des gens dont il connaît la personnalité.
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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,

Marie-Anne