Zweig, Stefan

La chaîne TV5 a présenté, à l’automne 2022, une fabuleuse série documentaire en quatre épisodes intitulée L’Extraordinaire périple de Magellan, sur la vie de ce navigateur mort au cours d’un voyage absolument inédit.
Plusieurs spécialistes y commentent ce périple, qui fait appel aussi à des séquences animées qui donnent vie aux scènes d’époque. Un procédé, à mon avis, bien supérieur au recours à des comédiens costumés qui ont souvent l’air artificiellement plaqués dans un récit. Ce visionnement a entraîné le désir d’en savoir plus sur ce périple inédit, d’où cette lecture.
Le livre en titre a été publié pour la première fois en allemand en 1938. Pour cette édition, il a bénéficié d’une toute nouvelle traduction dont l’objectif était de lui redonner le souffle épique qui manquait dans la traduction précédente, selon la traductrice, bien sûr.
Au XVIe siècle, les épices originaires d’Extrême-Orient étaient extrêmement recherchées en Europe, où elles ne parvenaient qu’après avoir circulé entre les mains de multiples intermédiaires dont les Indiens, les Arabes et les Vénitiens. Chacun prenant un lourd tribut au passage, elles se vendaient donc en Europe à prix d’or.
Portugais d’origine, Magellan avait une expérience de la navigation hors de l’ordinaire, quand il proposa au début du XVIe siècle à son roi d’atteindre les îles Moluques, situées dans l’est de l’Indonésie, non par l’est en contournant l’Afrique, mais par l’ouest en contournant l’Amérique récemment découverte par Christophe Colomb (1492). Cette découverte avait entraîné une frénésie d’explorations facilement financées et un afflux de volontaires disposés à chercher la fortune outre-mer.
Le plan de Magellan aurait court-circuité les intermédiaires et enrichi le Portugal. Cependant, il impliquait, entre autres difficultés, de trouver le passage encore inconnu entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique, puis de traverser cet océan dont personne ne connaissait les dimensions. Magellan disposait de cartes et de renseignements peu précis, mais il était sûr de l’existence de ce passage.
Ayant été éconduit par son roi, il proposa ses services au roi d’Espagne, l’empereur Charles Quint, qui finança une flotte de cinq vaisseaux avec un équipage de 265 personnes dont Magellan était l’amiral. Ayant quitté l’Espagne le 25 mars 1518, Magellan ne revint jamais. Le voyage fut atrocement difficile. Les cartes imprécises allongèrent le trajet et la découverte du passage recherché en Terre de Feu, qui porte aujourd’hui le nom de son découvreur, exigea des mois dans un climat épouvantable.
Les passagers souffrirent de la faim, du froid et de l’intransigeance de l’amiral qui se méfiait des quatre autres capitaines, qui étaient Espagnols, et dont la méfiance envers Magellan était aussi très forte. L’un d’eux organisa même une mutinerie, et il retourna en Espagne avec son vaisseau, son équipage et la plus grande partie des vivres de l’expédition.
Magellan fut tué le 27 avril 1521 dans une escarmouche banale avec une tribu locale et les survivants confièrent le commandement au Basque Sébastien del Cano. Celui-ci retourna en Espagne en contournant l’Afrique, donc toujours en continuant par l’ouest. Il y arriva le 8 septembre 1822, près de trois ans après le départ, avec seulement 18 survivants à bord de l’unique vaisseau subsistant.
Malgré cet échec apparent, le voyage avait connu quelques succès. On avait prouvé pour la première fois que la terre était ronde et qu’on pouvait en faire le tour. De plus, les tonnes d’épices rapportées sur le vaisseau suffirent à assurer un immense profit aux commanditaires.
Pour Magellan, par contre, l’échec fut complet. Il était mort, bien sûr, mais en outre son exploit fut ignoré autant par le Portugal, qui le considérait comme un traître, que par l’Espagne, où les survivants du voyage tenaient à garder le prestige et le fric pour eux. En outre, le détroit découvert par Magellan était tellement difficile à franchir que peu de navigateurs s’y risquèrent jusqu’au percement du canal de Panama, qui le rendit inutile.
Les témoignages écrits du périple ne sont dus qu’à une personne, le scribe de l’expédition, un nommé Pigafetta. Cependant, une partie de ses écrits disparurent, sans doute pour protéger les responsables de la mutinerie.
La traductrice a cependant raison : Stefan Zweig a su rendre éloquemment le souffle épique de ce périple inouï.
Traduction de Françoise Wuilmart.
Membre : Pierre, abonné de la bibliothèque Germaine-Guèvremont
Zweig, Stefan. Magellan. L’Homme et son exploit, Éditions Robert Laffont, 1938, 2020, 345 pages.
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.