Bonjour à vous toutes et à vous tous,

Grand Prix du roman de l’Académie française, Le Mage du Kremlin (Gallimard, 2022) de l’essayiste-politologue italo-suisse de 49 ans Giuliano da Empoli, est dédié à Alma, sa fille.

Gardons en tête que ce livre a été écrit avant le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, ce qui rend sa lecture d’autant plus captivante et de laquelle nous sortons mieux outillés pour comprendre les agissements et les objectifs de Vladimir Poutine.

Malgré tous les éloges autour de ce premier roman, j’ai pourtant hésité plusieurs semaines avant de me résoudre à le lire. Je me demandais si j’allais comprendre et suivre les enjeux dont il était question, mais également si j’avais envie d’entendre parler durant 280 pages de Vladimir Poutine … Je me suis finalement décidée et je suis loin de regretter mon choix. Le Mage du Kremlin est un cours d’histoire en accéléré sur un moment charnière du XXIe siècle.

Tous les noms sont vrais, sauf celui du « mage du Kremlin » du titre, Vadim (Vadia) Alexeïevitch Baranov. Avant de devenir homme d’affaires et conseiller politique, celui qui dans la réalité se nomme Vladislav Sourkov, a fait de la mise en scène, a produit des émissions de télévision et a même publié un roman sous le pseudonyme de Nicolas Brandeis. Mais l’histoire va surtout retenir qu’il a été « l’idéologue derrière l’arrivée au pouvoir de Poutine » en 2001. Juste l’écrire me donne des frissons dans le dos.

Né en 1952 à Léningrad, Vladimir Poutine a d’abord été officier du KGB avant que Boris Eltsine le nomme, en 1998, directeur du Service fédéral de sécurité (FSB, l’ancien KGB). Un an plus tard, à l’âge de 57 ans, il devient le président du gouvernement de la Russie. On connaît la suite et ses conséquences. C’est une chose de le savoir, une autre de revenir sur son parcours !

Quand débute le roman, il y a déjà quelques années, Vadim Baranov, celui qu’on appelait « le Raspoutine de Poutine », a donné sa démission de conseiller politique ; il vit aujourd’hui dans sa maison remplie de livres anciens aux côtés d’Anja, sa fille de cinq ans.

C’est donc par l’entremise du narrateur, jamais nommé, que nous est relatée la vie de Baranov, de son enfance quand ses parents l’envoyaient passer ses étés chez son grand-père qui habitait une isba à la campagne, jusqu’à son ascension comme le « nouveau Raspoutine », avant de donner sa démission en février 2021, après quinze ans de service. Pour quelle(s) raison(s) celui qui avait une place « privilégiée » auprès de Poutine a-t-il décidé de se retrancher dans ses terres ?

Mais qu’était venu faire le narrateur à Moscou ? Combien de temps devait-il y rester ? Comment Vadim Baranov connaissait-il cet homme qui œuvre au sein d’une université française ? Quel lien y a-t-il entre eux et Evgueni Zamiatine (1884-1937), ingénieur naval, professeur et l’auteur de Nous, publié en 1920, puis retiré du marché trois ans plus tard à la demande des autorités ?

Giuliano da Empoli nous fait descendre dans les coulisses du pouvoir, nous démontre les façons de travailler et de penser de Vladimir Poutine, de sa garde rapprochée, des oligarques dont le milliardaire Boris Berezovsky, propriétaire, entre autres, de l’ORT (Opération de revitalisation de territoire).

J’ai pris plusieurs fois des notes durant ma lecture. Des phrases chocs, percutantes, incisives. Quatre exemples parmi tant d’autres :

« Voyez-vous, l’élite soviétique, au fond, ressemblait beaucoup à la vieille noblesse tsariste. Un peu moins élégante, un peu plus instruite, mais avec le même mépris aristocratique pour l’argent, la même distance sidérale du Voyez-vous, l’élite soviétique peuple, la même propension à l’arrogance et à la violence », de dire Vadim Baranov au narrateur. (p. 52)

Ou alors : « Je suis habitué à exécuter des ordres et, par certains côtés, je trouve que c’est la condition la plus confortable pour un homme. Mais le président de la Russie ne peut ni ne doit être soumis à qui que ce soit. L’idée que ses décisions soient conditionnées par un intérêt privé quelconque est pour moi tout à fait inconcevable », de dire Poutine à Baranov. (p. 99)

« Kasparov, sérieusement, savez-vous ce que signifie la démocratie souveraine ?
- Je ne suis pas un politologue, mais en tant que joueur d’échecs, je dirais que c’est plus ou moins le contraire d’une partie. Aux échecs, les règles restent les mêmes mais le vainqueur change tout le temps. Dans votre démocratie souveraine, les règles changent, mais le vainqueur est toujours le même. » (p. 191)

Et une petite dernière : « La première règle du pouvoir est de persévérer dans les erreurs, de ne pas montrer la plus petite fissure dans le mur de l’autorité. (p. 225)

Et si tout ce qui a été écrit dans Le Mage du Kremlin n’avait été qu’un cauchemar ou à la limite une mauvaise pièce de théâtre à laquelle nous aurions assisté, les répercussions auraient été limitées. Mais la réalité dépasse parfois la fiction et c’est malheureusement le cas ici. À lire, sans aucune hésitation !

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

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Farah, Alain

Un des coups de cœur de cette saison littéraire québécoise ! Alain Farah nous livre dans cette œuvre, une visite marrante au sein d’une famille libanaise de confession chrétienne, dont les parents ont immigré à Montréal dans les années 70.

L’auteur prend un événement, celui de la noce de son protagoniste éponyme, pour tisser son conte, embarquant des fils ici et là pour réaliser un jacquard d’histoires qui réchauffe le cœur. Farah est indéniablement un bon conteur qui sait ravir son public avec son humour subtil.

Pour ce qui est style, le livre est écrit dans une langue du quotidien sans fard ni fioritures et porte bien la voix du narrateur. C’est comme si l’auteur se racontait à des amis intimes.

Charmant et drôle qu’il est, le roman n’est cependant pas sans défauts. Par endroits, Farah ne va pas assez loin et, à d’autres moments, il verse un peu dans la mièvrerie ou la caricature.

Tout compte fait, il faut admirer Alain Farah pour avoir réussi à écrire un roman de notre époque sans aucune référence sexuelle ni érotique. L’amour reste très pudique comme au bon vieux temps et ce sont les vraies relations humaines qui priment. Cela fait la force de Mille secrets mille dangers.

Membre : Nacha, Montréal

Farah, Alain. Mille secrets mille dangers, Éditions Le Quartanier, 2021, 498 pages.

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Kingsolver, Barbara

Inspiré de David Copperfield de Dickens, Barbara Kingsolver a transposé son jeune personnage dans l’ouest de la Virginie, aux confins du Kentucky, dans ce qu’on appelle « le pays des hillbillies » où les mines sont fermées et les jeunes se consolent dans l’ocytocine.

Membre : Andrée L.

Kingsolver, Barbara. Demon Copperhead, Éditions Harper Collins, 2022, 546 pages.

Ouellette, Francis

Mélasse de fantaisie est une lecture poignante, captivante. L’auteur nous plonge dans la réalité des années 60-70 dans le Centre-sud de Montréal, appelé à l’époque le Faubourg à m’lasse.

Une lunette grossissante du quotidien de la vie tumultueuse d’un jeune enfant unique, élevé par une mère monoparentale menant une vie de prostituée et de consommatrice de drogues illicites et d’alcool.

L’écriture est dure, enfantine, qui traduit de façon parfois choquante cette invraisemblable réalité. Malgré ce portrait, il se crée des liens d’amitié et de confiance : le lecteur s’attache à ces personnages haut en couleurs.

Une lecture qui m’a hantée quelques jours après l’avoir terminée. Une recommandation…

Membre : Josette G. de Montréal

Ouellette, Francis. Mélasse de fantaisie, Éditions La Mèche, 2022, 224 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Stark, Richard

Richard Stark est l’un des pseudos de Donald E. Westlake qui est l’auteur, entre autres, du fameux roman Le Couperet adapté au cinéma par Costa-Gavras.

Ceci dit, Backflash fait partie des vingt-cinq romans de Stark mettant en vedette son héros Parker. Dans celui-ci, Parker, qui n’a pour seule règle d’empocher le plus d’argent possible quitte à tuer sans pitié le premier qui va vouloir l’en empêcher, organise un coup fumant qui consiste à mettre la main sur un magot d’un demi-million de dollars en cash sur un casino flottant sur l’Hudson. Le défi : y entrer avec leurs armes et en sortir avec le magot.

Ce qui me passionne chez Westlake, ce sont les défis presque insurmontables auxquels ses héros doivent faire face et la minutie dans l’exécution de leurs projets.

Titre original : Backflash

Membre : Michel, Saint-Jean-sur-Richelieu

Stark, Richard. Backflash, Éditions Payot & Rivages, 1998, 2001, 283 pages.

Cejudo, Jéronimo

À la suite d’un cataclysme sans précédent, l’air est devenu irrespirable et des créatures hostiles ont pris le contrôle de la planète, forçant les derniers survivants à se retrancher dans une tour de fortune. Parmi eux, des volontaires sont formés pour trouver un nouvel éden. On les appelle les « ripper » ! Lors d’une mission de reconnaissance, l’escadron du Chêne rencontre Junk, un jeune garçon optimiste, qui ne semble pas affecté par l’état de la Terre…

Un début de série qui démarre sur les chapeaux de roue. Junk est extrêmement attachant et ses capacités sont époustouflantes. Le reste de l’équipe n’est pas en reste non plus. Sans oublier notre ami, le raton laveur !

Ce premier tome est prometteur, même si les scènes d’action sont parfois un peu confuses pour moi. Un bémol aussi sur la petite guéguerre avec l’autre équipe de ripper… Faut-il vraiment croire qu’on en est encore là quand il ne reste plus qu’une poignée de survivants ? J’ose espérer le contraire et que toutes ces chamailleries seraient obsolètes.

Au final, un tome dense et prenant. À quand la suite ?

Membre : France

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Cejudo, Jéronimo. Ripper. 1, Éditions Ankama, 2021, 224 pages.

Delabroy-Allard, Pauline

Alors qu’elle va bientôt être mère pour la première fois, Pauline, la narratrice et héroïne du roman, fait une demande de carte d’identité. C’est à cette occasion qu’elle prend conscience que ses parents lui ont donné trois autres prénoms, mais qu’elle ne sait pas de qui il s’agit et quelle importance ils ont eu dans son histoire familiale.

Jeanne, Jérôme (un prénom masculin) et Ysé. Comme si cette histoire était taboue, la mère de Pauline refuse de répondre aux questions, considérant que le passé est le passé. Pauline n’a d’autres choix que de partir à la recherche de Jeanne, Jérôme et Ysé.

En devenant mère, elle sait qu’elle a quelque chose à transmettre : son héritage familial et son identité faite de tous ces prénoms. Peu à peu le passé prend forme.

J’ai aimé ce roman qui nous dévoile, au travers de prénoms, un bout de notre histoire familiale. Parfois taboue, parfois heureuse, l’histoire familiale à travers un prénom est rarement anodine.

Membre : France

Cette suggestion est proposée par un lecteur du Pays de Romans – France, membre du club de lecture Troquez vos Irrésistibles et partenaire du Club Les Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal.

Delabroy-Allard, Pauline. Qui sait, Éditions Gallimard, collection Blanche, 2022, 204 pages.

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Ardone, Viola

Nous sommes à Martorana, un petit village de Sicile dans les années 60.

Le crime d’honneur et le mariage réparateur sont dans le Code pénal. On enseigne aux filles que les hommes sont supérieurs aux femmes. Oliva Denaro rêve de faire des études, travailler pour être indépendante, sauf que ce n’est pas la trajectoire d’une fille.

Oliva sera violée pour être épousée. Elle va refuser de se soumettre au risque de le payer très cher…

Cette histoire est inspirée d’un fait réel et l’autrice nous brosse, sur plusieurs décennies, l’évolution de la lutte des femmes qui osent dire non et faire le choix de leur vie.

Marie-Anne Poggi mentionne dans le billet du 5 janvier 2023 : « Dès la première ligne, j’ai adoré le roman de Viola Ardone, Le Choix (2021, 2022, Albin Michel) : « Une fille, c’est comme une carafe : qui la casse la ramasse, dit toujours ma mère. » C’est un roman à lire !

Titre original : Oliva Denaro

Membre : CestDoris

Ardone, Viola. Le Choix, Éditions Albin Michel, collection Grandes Traductions, 2021, 2022, 388 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Boisvert, Lili

En tant que vieillard de 80 ans, on comprendra facilement que je ne constitue pas le public cible de ce livre, que j’ai trouvé par hasard dans la bibliothèque de la RPA où je demeure maintenant, et que j’ai lu par curiosité pour le titre dont j’ignorais le sens.

Comme l’auteure nous l’explique en quatrième de couverture, le cumshot est une expression extrêmement vulgaire employée dans l’industrie du film pornographique. Ce titre est inutilement racoleur, car le livre ne traite pas vraiment de ce sujet, même s’il porte sur les relations entre les hommes et les femmes, notamment au plan sexuel.

Personne ne niera que, malgré les progrès des dernières décennies, notamment au Québec, l’égalité totale entre les sexes n’est pas atteinte. D’entrée de jeu, Lili Boisvert explique qu’elle ne traite que de la civilisation occidentale, la seule qu’elle connaît.

Pour l’auteure, cette situation d’inégalité ne peut, en aucune façon, s’expliquer par la biologie ou la nature. C’est donc un fait strictement culturel, une théorie qui se défend et qui mérite d’être débattue. Sa thèse, c’est que la civilisation occidentale impose depuis des siècles des rôles stéréotypés aux hommes comme aux femmes, au point que ces stéréotypes sont tellement intégrés par les uns et les autres qu’ils sont tenus pour indiscutables.

Par exemple, les femmes devant séduire, elles s’imposent des contraintes vestimentaires (maquillage, talons hauts, etc.) que les hommes n’ont pas besoin de subir. Autre exemple : les femmes s’intéressant davantage aux qualités intellectuelles et aux succès financiers des hommes, ceux-ci n’ont pas à se préoccuper de leur apparence, ce qui explique le look débraillé de nombre d’entre eux.

L’ouvrage s’appuie sur un bon nombre d’études, principalement états-uniennes, dont je ne peux juger de la pertinence ou de la reproductibilité, donc de la validité. Il m’apparaît cependant que certains énoncés sont pour le moins questionnables. Ainsi, selon l’auteure, la société refuserait que les femmes puissent déambuler la poitrine nue, au motif que cela supprimerait pour les hommes l’érotisme relié aux seins, énoncé qui occulte d’autres facteurs comme le rôle du puritanisme dans la société des États-Unis. De plus, de nombreux exemples soutenant les propos de Lili Boisvert proviennent de séries états-uniennes, comme Sex in the City, qui répondent aussi à des motifs financiers autant sinon plus que sociaux.

Le postulat de l’auteure est pertinent, mais à mon humble avis la démonstration est faible. De plus, elle occulte le fait que dans de nombreux pays, les femmes sont encore bien moins considérées qu’en Occident. On peut parler ici de l’excision des fillettes en Afrique, de la lapidation des femmes adultères en Arabie ou des mariages forcés en Inde, etc.

Membre : Pierre, abonné de la bibliothèque Germaine-Guèvremont

Boisvert, Lili. Le Principe du cumshot : le désir des femmes sous l’emprise des clichés sexuels, VLB éditeur, 2017, 250 pages.

Kourkov, Andreï

Dans Les Abeilles grises, l’écrivain ukrainien russophone Andreï Kourkov suit deux hommes, un peu grincheux, qui ont refusé en 2017 d’évacuer un no man’s land entre les forces ukrainiennes et russes. L’un d’eux est apiculteur et doit faire voyager ses abeilles en Crimée.
Un véritable road trip !

Membre : Andrée L.

Kourkov, Andreï. Les Abeilles grises, Éditions Liana Levi, 2022, 399 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Evaristo, Bernardine

De Bernardine Evaristo, Fille, femme, autre se passe en grande partie à Londres dans l’univers de 11 femmes d’origine africaine. Leur expérience n’est probablement pas très différente de celles de leurs consœurs dans les autres grandes villes du monde, même de Montréal.

Le tout écrit dans un style étonnant qui nous garde en alerte, sans qu’on s’ennuie un seul moment.

Titre original : Girl, Woman, Other

Membre : Andrée L.

Evaristo, Bernardine. Fille, femme, autre, Éditions Globe, 2019, 2020, 469 pages.

Despret, Vinciane

D’entrée de jeu, beaucoup d’originalité ! Vinciane, prénom qui veut dire vaincre, donc beaucoup d’élan pour présenter un projet ou un mouvement artistique appelé « Les Nouveaux commanditaires » lancé par un artiste belge dans les années 90.

Vinciane Despret nous l’explique à travers des cas très précis de morts violentes, des histoires très tristes et tout ce que cela a pu engendrer. Une sorte de suite où le mort est toujours à l’œuvre dans l’inspiration de l’artiste qui fait une composition/commande qui peut être partagée.

Tenant compte, par exemple, de ce que la personne aurait aimé faire ou signifier, de ce qu’elle aurait voulu « continuer ce qu’elle avait commencé » et aussi pour aider les proches à « faire passer, ce qui ne passe pas ». Ainsi en est-il d’un jardin fleuri, d’obélisques ou de ponts de bois dont les emplacements sont soigneusement choisis en rapport avec l’histoire.

Plus qu’une commémoration, c’est une continuation, un « souvenir vivant ». « Le vol d’une vie a été transformé en don pour ceux qui restent. »

Ce n’est pas une lecture facile, mais c’est très touchant et peu banal !

Membre : N.L., Île-des-Soeurs

Despret, Vinciane. Les Morts à l’œuvre, Éditions Les empêcheurs de danser en rond, 2023, 116 pages.

Bonjour à vous toutes et à vous tous,

L’eau du lac n’est jamais douce / L’acqua del lago non è mai dolce de Giulia Caminito (Gallmeister, 2021, 2022) est dans la même lignée que les romans de ces écrivaines italiennes : Elena Ferrante, Viola Ardone, Rosa Ventrella et Silvia Avallone.

En fin de volume, l’autrice, née à Rome en 1988, précise : « Ce roman n’est pas une biographie, ni une autobiographie, ni une autofiction, c’est une histoire qui a avalé les fragments de nombreuses vies pour essayer de les transformer en narration, en récit des années où j’ai grandi, des chagrins que j’ai seulement côtoyés et de ceux que j’ai traversés. »

Ainsi, durant une dizaine d’années, nous suivons Gaia, la narratrice qui a 11 ans au moment où débute l’histoire. Sa rouquine de mère, Antonia Colombo, travaille comme femme de ménage. C’est elle « l’homme » de la maison. La famille de quatre enfants (Mariano, Gaia, les jumeaux, Maicol et Roberto), habite dans un logement humide d’à peine 20 mètres carrés situé au sous-sol du 63 via Monterotto, un quartier populaire de Rome « peuplé d’héroïnomanes et de vieillards moribonds ».

Quand Antonia veut quelque chose, elle l’obtient à force de persuasion. Rien ne l’arrête. Elle répète à qui veut l’entendre : « Il faut insister tant qu’on n’a pas obtenu ce qu’on veut, si on insiste sans relâche, rien ne résiste. »

Elle est le pilier de ce clan atypique composé de Massimo, son mari, qui est invalide depuis qu’il est tombé d’un échafaudage. Il n’a rien pu réclamer aux assurances puisqu’il était payé au noir. Depuis cet accident, alors qu’il n’avait pas encore 40 ans, il ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulante.

À l’âge de 17 ans, Antonia s’était retrouvée enceinte d’un homme qui est encore derrière les barreaux pour avoir commis un homicide. De cette courte relation est né, il y a 15 ans, Mariano, l’anarchiste de la smala, le demi-frère de Gaia et des jumeaux.

Ce qui compte avant tout pour Antonia, c’est la justice. « Si nous crions dans la maison elle ne prépare pas de dîner, si nous préférons jouer plutôt que l’aider à s’occuper des jumeaux, elle ne nous donne pas de goûter pour l’école ou elle confisque nos trousses ; elle est faite pour les grèves et les démonstrations de résistance. » (p. 21)

Si l’appartement est dépourvu de télévision, la radio occupe une place de choix ainsi que les livres empruntés à la bibliothèque. Antonia se bat depuis des années pour avoir un logis plus grand, mais sans succès. Puis, revirement de situation avec l’arrivée d’une nouvelle cheffe de service. Enfin, la famille déménage à Anguillara Sabazia. Que va-t-il se passer à partir de maintenant ? De quoi seront faits leurs lendemains ? L’espoir est-il permis ?

L’adolescence de Gaia ne sera pas de tout repos : les amitiés seront parfois trahies, les amours insatisfaisantes, les sorties permises au compte-gouttes. Réussira-t-elle dans ses études ? Ira-t-elle à l’université comme le souhaite sa mère, déjà tellement déçue par l’attitude de son fils aîné et impuissante devant un mari handicapé ?

Malgré quelques longueurs, j’ai aimé cette histoire dans laquelle, grâce à sa force de caractère, la mère fait tout ce qu’elle peut pour se sortir de la misère et offrir un meilleur avenir à sa progéniture…

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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,

Marie-Anne

Chevalier, Tracy

Vingt ans après la parution de La Jeune fille à la perle et quelque sept romans plus tard, voici La Brodeuse de Winchester de Tracy Chevalier.

Un roman qui nous invite dans l’Angleterre des années 30, à Winchester, où Violet Speedwell s’établit. S’éloignant d’une mère peu commode, elle se construira une vie bien à elle en travaillant dans un bureau d’assurances et en s’initiant à la broderie « au sein du cercle des brodeuses de la cathédrale » avec, comme professeure, la réputée Miss Louise Pesel. L’amitié qu’elle découvrira dans cette nouvelle étape de sa vie de célibataire de 38 ans la réconfortera. Et l’amour l’effleurera…

L’auteure s’est soigneusement documentée sur l’art de la décoration sur tissu (la broderie) ainsi que sur l’art campanaire (les sonneurs de cloches), d’où résulte un foisonnement d’informations fort intéressantes.

Autant les moeurs de l’époque que l’architecture des édifices, autant les paysages bucoliques que les lieux fréquentés par les protagonistes sont finement décrits, autant l’intrigue passionne. Un bonheur de lecture !

Titre original : A Single Thread

Membre : Colombe, Ville de Québec

Chevalier, Tracy. La Brodeuse de Winchester, Éditions Quai Voltaire, 2019, 2020, 349 pages.

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Avallone, Silvia

Une histoire d’amitié improbable qui débute en l’an 2000, de deux adolescentes de quatorze ans venant d’un milieu social et familial différent.

Élisa est introvertie et aime les livres. Béatrice (Béa) est flamboyante et extravertie, plutôt attirée par le paraître.

La mère d’Élisa est imprévisible et désordonnée. Séparée du père de ses enfants, elle a aussi un garçon. Elle les comble d’affection à certains moments.

La mère de Béa, de son côté, affiche une allure parfaite et transforme sa fille en poupée Barbie. Cependant, poussées par une volonté de rébellion, elles font cause commune.

Outre le thème de l’amitié, l’autrice nous amène dans les trahisons, la jalousie, les apparences trompeuses, des années de silence entre les deux amies pendant lesquelles Béa devient une célèbre influenceuse sur le Web.

Véritable coup de cœur ! C’est la première fois que je lis un livre de cette autrice. Aussitôt commencé, je n’ai pas lâché l’histoire et tous les personnages m’ont fascinée.

Titre original : Un’amicizia

Membre : CestDoris

Avallone, Silvia. Une amitié, Éditions Liana Levi, 2020, 2022, 525 pages.

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Tuil, Karine

Un excellent roman. Qui porte une charge émotionnelle très forte. Les phrases sont assenées, comme écrites sous une tension constante. La justesse et la précision des observations psychologiques, la vraisemblance des situations produisent un tel effet de réalité que j’ai senti au début le besoin de vérifier quelques noms dans Google pour m’assurer que j’étais bien dans une fiction.

Karine Tuil nous montre des personnages en proie à un chaos intérieur et qui tentent d’y répondre, de reprendre le contrôle de leur vie, de lui redonner un sens. À cet égard, le vécu de la narratrice, juge d’instruction antiterroriste, se rapproche de celui du jeune Abdeljalil, enfant violenté, laissé à lui-même, qui redonne un sens à sa vie à travers l’endoctrinement par l’État islamique.

Membre : S. de Montréal

Tuil, Karine. La Décision, Éditions Gallimard, 2022, 296 pages.

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Farah, Alain

Un excellent roman. Qui met en tension deux forces contradictoires : l’une poussant au désordre, l’autre cherchant à remettre en ordre le monde (intérieur). Il y a là un signe puissant de notre époque qui a demandé à l’auteur un travail considérable sur la forme, auquel j’ai été très sensible.

Un roman, aussi, qui nous parle de la condition immigrante, de la maladie, de la souffrance, de la difficulté de communiquer. Et de la mort. À ce propos, remarquons que toutes les sous-histoires racontées ici viennent habilement s’emboîter dans l’histoire principale, qui est celle de la journée de mariage du narrateur, sauf une : celle de la mort de Myriam ; la mort demeure irréductible, inassimilable.

Il me semble que la lecture de ce roman autobiographique peut faire de nous de meilleures personnes.

Membre : S. de Montréal

Farah, Alain. Mille secrets mille dangers, Éditions Le Quartanier, 2021, 498 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Ferrante, Elena

Auteure de la tétralogie L’Amie prodigieuse, Ferrante s’est pliée à une demande du journal britannique The Guardian : écrire un article de 300 mots maximum, à toutes les semaines, durant un an. Elle a accepté en autant qu’on lui fournisse les sujets à traiter.

Ce fut pour elle tout un défi, car cette façon de procéder est très loin de la manière avec laquelle une écrivaine crée un roman à son propre rythme et selon l’inspiration du moment. Résultat : un petit bijou. D’autant plus que chaque texte a été spécialement illustré par Andrea Ucini.

Ferrante s’y dévoile comme étant une femme à la fois rebelle et soumise, deux traits de caractère que l’on retrouve chez Lenù et Lila, les deux personnages principaux de L’Amie prodigieuse.

Ces sujets font le tour de tous les aspects de la vie : l’amour, la politique, la santé mentale, l’insomnie, la violence, la maladie, la maternité, la relation mère/fille, le besoin d’écrire, le cinéma, le mensonge, les stéréotypes, la jalousie, etc. À lire et à relire… tout doucement.

Illustrations : Andrea Ucini.

Titre original : L’invenzione occasionale

Membre : Michel, Saint-Jean-sur-Richelieu

Ferrante, Elena. Chroniques du hasard, Éditions Gallimard, 2019, 176 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Coben, Harlan

Identités croisées reprend le personnage rencontré en 2020 dans le roman L’Inconnu de la forêt.

Wilde, dès son jeune âge, a vécu dans la forêt.
À l’aide de son ADN, il découvre les sites de recherches afin de connaître ses origines.
Il est un enquêteur aux méthodes spéciales.

L’auteur profite de cette intrigue pour mettre de l’avant les effets néfastes de la téléréalité.
À travers une enquête loin des sentiers battus, Coben nous révèle Wilde dans son humanité.

Un thriller tout à fait différent de ses romans précédents. Bonne lecture !

Titre original : The Match

Abonnée : bibliothèque Germaine-Guèvremont

Coben, Harlan. Identités croisées, Éditions Belfond 2022, 400 pages.

Eacersall, Mark

Jubilatoire, tout simplement jubilatoire. L’aventure, ce n’est pas que des voyages dans de lointains pays, mais aussi dans la capacité à s’émerveiller de ce qui nous entoure, quitte à le travestir. Un tout petit peu… pour mieux l’enchanter… Ce qui compte, c’est l’esprit, le ressenti, le dépassement plutôt que le déplacement.

J’ai lu cette histoire avec le sourire. Elle raconte quoi, cette histoire ? Je vous laisse le plaisir de le découvrir.

Membre : France

Cette suggestion est proposée par un lecteur du Pays de Romans – France, membre du club de lecture Troquez vos Irrésistibles et partenaire du Club Les Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal.

Eacersall, Mark. Tananarive, Éditions Glénat, collection 1000 feuilles, 2021, 120 pages.