Bonjour à vous toutes et à vous tous,
Aviez-vous aimé L’Ordre du jour (2017) d’Éric Vuillard ? Si oui, vous aurez alors tout autant de plaisir à lire Une sortie honorable (Actes Sud, 2022).
J’ai lu deux fois ce livre pour bien saisir les tractations de la fin de la guerre d’Indochine (1946 à 1954) et pour me familiariser avec les nombreux personnages historiques mentionnés dans ce récit divisé en 22 courts chapitres.
19 octobre 1950 : le conflit coûte cher aux Français embourbés jusqu’au cou dans cette guerre d’Indochine qui s’éternise. Le matériel manque, des décisions doivent être prises : arrêter ou continuer cette guerre ? Négocier « une sorte d’armistice » ou battre en retraite ?
S’il y a une corrélation à faire entre L’Ordre du jour et Une sortie honorable, elle se trouve dans la façon qu’a l’écrivain d’amener son sujet. Le premier nous plongeait à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, tandis que le second nous fait revivre les derniers instants de la guerre d’Indochine et le départ en catastrophe des Français sous la IVe République. Cette finale m’a rappelé celui précipité des Américains en terre afghane l’été dernier. Voir également tous ces Kabouliens s’accrocher à ce qu’ils pouvaient pour fuir leur pays et les talibans, il n’y a pas de mots pour décrire ces scènes désolantes.
Quels étaient les enjeux de cette guerre d’Indochine où s’affrontaient l’Union française et l’organisation politique indépendantiste et paramilitaire vietnamienne ? En fait, pour la France, ils étaient doubles : dénoncer le capitalisme colonial et faire front aux communistes.
En 1950, les Français ont dû négocier avec le Viêt-minh cette fameuse « sortie honorable », mots prononcés par le général Henri Navarre, commandant en chef des forces françaises en Indochine. Mais comme le disait Éric Vuillard lors d’une entrevue radiophonique : « Que veut réellement dire une sortie honorable ? […] Faire la guerre pour la terminer, reconquérir l’Indochine avant de la laisser, [n’est-ce pas une] expression contradictoire ? »
Une sortie honorable commence ainsi : « Il faut voyager”, écrivait Montaigne. “Cela rend modeste”, ajoutait Flaubert. “On voyage pour changer, non de lieu, mais d’idées”, renchérissait Taine. Et si c’était tout le contraire. » Le 25 juin 1928, Émile Delamarre, inspecteur du travail, « qui formait une nouvelle administration coloniale […] les premiers inspecteurs du travail nommés en Indochine française » est appelé sur une plantation Michelin, car depuis peu, les suicides s’accumulent ainsi que les mauvais traitements. Exploitations de lieux et surtout de coolies vietnamiens à la solde de l’entreprise. Vous me direz : « Mais quel rapport avec la guerre d’Indochine ? » Vous verrez, rien n’est laissé au hasard !
L’histoire se répète et rarement pour les bonnes raisons avec, à la clé, domination, concentration du pouvoir, enrichissement de certaines compagnies – les banques françaises, durant la guerre d’Indochine, n’ont jamais fait autant d’argent, et ce, malgré la défaite, etc.
Comment rester impassible face à autant d’abus de la part de grandes sociétés telles Michelin ? Comment ne pas être émue sur le sort de certains coolies vietnamiens qui finissent par mourir d’avoir été surexploités, morts que l’on camoufle en suicides ?
Une sortie honorable devrait être mis au programme dans certains cours au cégep ou à l’université. Les professeur(e)s d’histoire pourraient reprendre un à un les noms cités et expliquer le rôle « joué » par les différents intervenants de cette guerre.
Quelques exemples parmi tant d’autres : Pierre Mendès France, nommé président du Conseil par René Coty en juin 1954 ; Maurice Viollette « principale figure politique d’Eure-et-Loir du XXe siècle » et maire de Dreux durant cinq décennies ; le général de Lattre qui a cumulé plusieurs fonctions durant la guerre d’Indochine ; le général Christian Marie Ferdinand de La Croix de Castries qui a ordonné le retrait de Dien Bien Phu lors de la guerre d’Indochine, etc.
Vuillard a toujours le mot juste – je ne vous dis pas le nombre de fois que j’ai dû fouiller dans le dictionnaire –, le texte comporte peu de dialogues, son style est sobre et efficace. Difficile de faire mieux ! À lire si la grande Histoire vous intéresse…
Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.
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Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,
Marie-Anne