Quand Chalamov revient à Moscou en 1953, il a cinquante ans. Il a passé la moitié de sa vie dans les camps soviétiques, dont 17 ans dans les camps de la Kolyma. C’est un intellectuel qui a d’abord été arrêté pour avoir diffusé le Testament de Lénine, dans lequel ce dernier critiquait Staline.
Les Récits de la Kolyma sont constitués de 146 récités regroupés en six recueils, d’abord publiés en russe à l’étranger. Les récits se présentent sans préambule. On entre de plain-pied dans une scène de camp qui peut se passer sur un front de taille, dans une infirmerie, en forêt, en déplacement. Chalamov décrit des prisonniers à l’article de la mort, des blessés, des hommes, des femmes, des truands, des gardes-chiourmes cruels, des malins, des naïfs, des prisonniers qui ont été physiciens nucléaires, médecins spécialistes, meurtriers, haut-gradés militaires. Le portrait qu’il trace de la vie dans ces camps est atterrant. C’est un univers absurde, cruel, revanchard, imprévisible, où chacun se méfie d’autrui et cherche à survivre jusqu’au soir. Les prisonniers y meurent de faim, de scorbut, de pellagre, de froid, quand ils ne sont pas tout simplement fusillés pour des peccadilles. Les plus chanceux (comme Chalamov) parviennent à devenir des soignants, échappant ainsi aux travaux les plus pénibles. Et pourtant, Chalamov décrit avec lyrisme la beauté de la nature sibérienne, le parfum des mélèzes, la pureté du ciel. Il décrit aussi avec émotion le comportement de la petite minorité de prisonniers qui demeurent pacifiques et compatissants. Et il réfléchit à haute voix sur l’impossibilité de communiquer adéquatement la folie meurtrière de ces camps.
Certains disent que ce livre est un chef-d’oeuvre de littérature concentrationnaire du XXe siècle. C’est un avis que je partage. C’est mon coup de coeur de l’été.
Récits de la Kolyma
Romance provinciale
Ce petit livre de 92 pages (accompagné d’un commentaire du traducteur) présente, un peu comme un « vidéo-clip », le portrait d’une jeune musicienne qui vit dans une petite ville de province polonaise des années 1950, où tout le monde se connaît, où tout le monde surveille tout le monde et où le fou du village se promène partout. Elzbieta aimerait échapper à la tyrannie de sa mère souffrante et se rend à la salle où doit se produire un poète « séduisant, en tenue irréprochable » (par contraste à la tenue plus ou moins négligée des gens de la place…) ; il venait d’arriver de Varsovie, la « grande ville », en quête d’une muse locale. Le poète remarque cette « auditrice charmante et attentive », et la suite de l’histoire se devine facilement. L’aventure que vit Elzbieta montre quelques reflets du roman de Madame Bovary, mais aide la jeune femme à mieux se connaître et s’affirmer davantage.
L’auteur, reconnu comme l’un des maîtres de la littérature polonaise du XXe siècle, est un fin psychologue, et grâce à son art de conteur, nous suivons volontiers l’histoire dont l’issue ne surprend pas vraiment.
Merci aux éditions des Allusifs d’ouvrir de nouveaux horizons littéraires !
Titre original : Romans prowincjonalny
Voyage en Inde avec un grand détour
J’ai lu Voyage en Inde avec un grand détour, Voyage en Irlande avec un parapluie (Éditions VLB, 1984), Le pont de Londres (Éditions VLB, 1988), Voyage au Portugal avec un Allemand (Éditions Fides, 2002) et je suis à la recherche du dernier volet de la série : Voyage au Maghreb en l’an mil quatre cent de l’Hégire (Éditions Fides, 2011).
Dans les critiques, on parle de « la maigreur de style de l’écrivain », de « la profondeur du gouffre dans lequel il plonge sa plume » et j’oserais ajouter humblement d’une écriture attachante, sans prétention, un brin déprimante, mais sans conteste, intelligente, franche et circonspecte. Tout juste comme je les aime (les auteurs et leur écriture !)
Soufi, mon amour
C’est l’histoire d’Ella Rubinstein qui deviendra lectrice du Doux Blasphème d’Azia Z. Zahara relatant la rencontre du poète Rumi et de Shams de Tabriz, derviche tourneur. Elle deviendra amoureuse de l’auteur et vivra une libération intérieure.
Ce livre se passe en deux temps : celui du livre qu’elle lit en 1200 à Bagdad et le sien ; j’ai aimé ce récit, car les histoires sont bien reliées.
Quelques-unes des 40 règles du soufisme nous sont transmises, correspondant à ce que les différents personnages (l’ivrogne, la prostituée, la famille de Rumi) vivent. C’est un livre qui nous ouvre les portes sur un courant mystique peu connu et approfondit notre réflexion sur la vie.
7500 signes
C’est un livre de chroniques publié chez Gallimard en 2010. Pourquoi ce titre ? Il s’agit du nombre de signes typographiques par lesquels il est d’usage de « calibrer » un article.
Voici ce qu’en a dit Claude Duneton dans le magazine Le Figaro du 21 octobre 2010 : « On lit ses portraits sans se lasser. Leur couleur commune, c’est une sympathie, une sorte de tendresse de l’auteur à l’égard des gens qu’il rencontre… Il émerveille par la science qu’il montre des ressorts des puissants de ce monde, par ses analyses de la personnalité d’Obama, des Kennedy, des Asiatiques… Pourtant, ce que j’aime le mieux, et qui me paraît distinctif de cet ouvrage, c’est la galerie de portraits qu’il expose – des portraits connus, mais revus par lui, à hauteur d’homme, les yeux dans les yeux. La galerie est du reste parfaitement disparate, elle va de Camus « qui dansait très bien » à Hemingway, l’amoureux platonique d’Adriana, qui voisine avec Jacques Lanzmann qui déchire les annuaires du téléphone. Une belle image de Fabrice Luchini – « Il a la silhouette d’un Rimbaud qui aurait bien vieilli » – côtoie Sempé, « artiste d’exception » qui collabore au New Yorker. Cette façon de voir le monde au-dessus des antagonismes, au-delà des disputes, me charme. » Voilà, tout est dit.
Le Paradis, un peu plus loin
Ce livre relate la vie de Flora Tristan, militante féministe et ouvriériste, et celle de son petit-fils, Paul Gauguin. On y présente en parallèle la vie de l’activiste et la vie du peintre. Lecture passionnée de la vie trépidante de ces deux êtres exceptionnels en quête d’absolu.
La traduction demande un certain effort, mais ce bémol n’altère en rien ce roman fort intéressant. À lire !
Titre original : Paraíso en la otra esquina
Le Nazi parfait
Davidson est un journaliste d’origine anglo-allemande, réalisateur à la BBC. Il est le petit-fils d’un soldat allié britannique et le petit-fils d’un officier SS. Ce récit est le résultat d’une enquête réalisée à partir de documents officiels et d’une abondante documentation. L’auteur a tenté de reconstituer le parcours de son grand-père, Bruno Langbehn, mais ne l’a jamais interrogé, le sujet de la situation de Bruno pendant la guerre étant tabou dans la famille.
D’origine modeste, Bruno Langbehn a été élevé à l’ombre d’une caserne militaire. Technicien dentiste, il gravit les échelons dans le parti nazi, d’abord membre de la SA, puis de la SS. Enrôlé dès le début de la guerre, il est blessé au bras à la suite d’une chute de cheval. Il finira la guerre à Prague, comme officier de renseignements.
Par toute une suite de rebondissements, il réussit à échapper à la chasse aux nazis. Il ne sera jamais véritablement inquiété, reprendra des activités d’art dentaire et finira ses jours en Allemagne.
Davidson avait remarqué les silences embarrassés qui s’abattaient sur la famille quand il était question du rôle de Bruno pendant la guerre. Il avait aussi noté que son grand-père était alcoolique, qu’il cherchait toujours à avoir raison et qu’il recherchait la compagnie de ses anciens camarades militaires. Davidson est persuadé que son grand-père est mort avec la conviction d’avoir eu raison toute sa vie.
Par certains côtés, ce récit ressemble à celui qu’Alexandre Jardin a consacré à son grand-père, Jean Jardin, collaborateur des nazis pendant la guerre. Comme Jardin, Davidson a voulu briser le silence.
Titre original : Perfect Nazi
Le Billet de la semaine
Bonjour à vous toutes et à vous tous,
J’espère que vous allez bien… Merci pour toutes vos suggestions.
Pas de coup de cœur cette semaine (Snif ! Snif !) Mais, avez-vous lu dans la Presse de samedi dernier, quelques titres de la rentrée littéraire automnale ? Ouf !
Dès septembre, côté québécois, Jacques Poulin nous livre un nouvel opus, L’Homme de la Saskatchewan ; Catherine Mavrikakis revient au roman avec Les Derniers jours de Smokey Nelson ; Victor-Lévy Beaulieu nous propose Antiterre, le dernier tome de La saga des Beauchemin ; Dominique Fortier, que nous avions découverte, en 2010, avec son très beau roman, Les Larmes de saint Laurent, nous suggère La Porte du ciel et au mois de novembre paraîtra La Grande mêlée de Michel Tremblay, le 5e tome de La Diaspora des Desrosiers.
Septembre n’est pas septembre sans un Amélie Nothomb qui, cette année, nous donne Tuer le père – déjà le titre est tout un programme !
Côté américain, deux pointures fortes : Paul Auster avec Sunset Park et Philip Roth avec son roman, Le Rabaissement.
Je vous souhaite une très belle fin de semaine et à vendredi prochain,
Marie-Anne
La Chute des géants – Le siècle. 1
J’ai dévoré les 650 premières pages. Ensuite, c’était lassant, mais je l’ai quand même terminé. J’attends la sortie du prochain livre de la trilogie, qui sera publié en 2012.
Le premier tome, 1900-1923, traite de l’activité politique et sociale internationale. Bien sûr, l’auteur fait une très large place à la Première Guerre mondiale. J’ignorais à quel point les armées britanniques et russes étaient mal organisées et dirigées par des incompétents. Bilan de cette guerre : dix millions de personnes sont mortes à la suite de l’attentat à Sarajevo de l’archiduc et de l’archiduchesse d’Autriche. C’est un roman pour le commun des mortels et non pour les spécialistes. Il oublie ou omet un fait important : l’assassinat du tsar Nicolas II et de sa famille. Je me suis attachée aux personnages qu’il invente. On suit les histoires d’amour en Russie, en Angleterre, aux États-Unis et en Allemagne.
J’en recommande la lecture aux personnes qui ont du temps dans leurs poches…
Titre original : Fall of Giants
18 fév 2011
J’ai adoré ce livre. De Londres à la Russie, en passant par le Pays de Galles, la France, l’Allemagne et les États-Unis, un roman historique et romantique à la fois. On y vit le début, le dénouement et la fin de la Première Guerre mondiale sans longueur, à travers les personnages tous aussi crédibles les uns que les autres. J’ai hâte de lire la suite !
Titre original : Fall of Giants
Le Billet de la semaine
Bonjour à vous toutes et à vous tous,
J’espère que vous allez bien… Merci pour toutes vos suggestions.
Poetry/Le poème, film sud-coréen (2010) de Lee Chang-Dong est à découvrir, ne serait-ce que pour l’interprétation de la comédienne Yoon Jung-hee, touchante et bouleversante dans ce rôle de Mija, une grand-mère de 66 ans.
Dans la petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija élève seule son petit-fils Wook (en adolescent déplaisant, Lee Da-wit est impeccable), car la mère du jeune garçon, qui travaille à Séoul, n’est pas financièrement en mesure de s’occuper de son fils. Deux drames surviendront dans la vie de Mija (là, je n’en dis pas plus) qui feront basculer l’existence de cette femme attachante, toujours élégante, et qui a un rêve : réussir à écrire un poème, au moins une fois dans sa vie.
La durée de ce film, deux heures et dix-neuf minutes, permet d’en saisir la portée philosophique et poétique.
Je vous souhaite une très belle fin de semaine et à vendredi prochain,
Marie-Anne
L’épreuve de l’ange
Toby est un tueur à gages en série, sans cœur et sans amour, qui regrette après dix ans ce qu’il a fait. Pour réparer ses torts, son ange gardien, Malchiah, l’envoie à Rome au XVIe siècle pour tenter de sauver des gens, surtout des Juifs. Toby devient de plus en plus religieux catholique et essaie d’apprendre à aimer tout le monde et à être bon. Livre très différent qui nous plonge dans l’irréel, mais on voudrait que ce soit réel. Très intéressant. Si vous croyez à votre ange gardien, vous aimerez le livre.
Titre original : Of Love and Evil
The Gardner Heist : The True Story of the World’s Largest Unsolved Art Theft
Histoire d’un vol d’oeuvres d’art au musée Isabella Stewart Gardner de Boston, en mars 1990, et qui a encore rebondi dernièrement avec l’arrestation de James « Whitey » Bulger, le 23 juin 2011. Mais aussi histoire très intéressante de madame Gardner et de sa collection impressionnante d’oeuvres d’art.
L’histoire de ce vol ouvre la porte sur tout un monde mercantile, mais qui permet à l’auteur d’écrire une très belle page sur la véritable valeur d’une oeuvre d’art, question souvent en filigrane dans son livre.
Un bûcher sous la neige
Au XVIIe siècle, en Écosse, Corrag, une jeune fille traitée injustement de sorcière, attend le bûcher… Dans le clair-obscur d’une prison, le révérend Charles Leslie, venu d’Irlande espionner l’ennemi, l’interroge sur les massacres dont elle a été témoin. De jour en jour, elle lui raconte sa vie difficile et incroyablement lumineuse…
L’écriture de Susan Fletcher est envoûtante et sensorielle, la nature qu’elle décrit, c’est comme si on y était ! On la goûte, on la sent, on la voit, on y touche….
Un vrai baume pour l’âme… et un véritable coup de cœur !
Titre original : Corrag
L’Amour aux temps du choléra
La construction de ce roman d’un amour qu’on pourrait qualifier d’extrême, contient des éléments de « flashback cinématographique ». On y suit les hauts et les bas des rêves et des émotions d’un couple qui se rencontre pour la première fois à un très jeune âge et qui se retrouve plus de 60 ans plus tard, après la mort du mari de la femme. Florentino Ariza avait gardé sa promesse de ne jamais arrêter d’aimer Fermina Daza, même si, dans sa vie, il a connu plusieurs autres femmes. Elle a vécu un long mariage avec un médecin très en vue de sa petite ville, croyant avoir oublié les effusions lyriques du jeune homme d’un milieu modeste, qui, de son côté, a fini par monter jusqu’à la présidence de la Compagnie de navigation locale. Sur le bateau « Fidélité Nouvelle », les deux personnes si différentes trouvent finalement une nouvelle façon de s’aimer…
Dans cette œuvre pleine de couleurs, d’odeurs et de sons, on trouve des contrastes entre les couches sociales, entre le rêve et le travail acharné, entre la force de caractère et les faiblesses de la nature humaine, entre les traditions et la modernité, entre la vie solitaire et les événements mondains, entre la sincérité et la malhonnêteté. Le fantastique n’est jamais loin d’une situation à l’aspect réaliste, ni d’une certaine ironie. La solitude est un thème important, avec ceux de la mort et du vieillissement, dans cette étude de l’amour aux différents âges de la vie.
J’ai trouvé, dans le style du livre, des éléments baroques qui semblent refléter les particularités de l’époque et du pays lointains, autant que celles de cette histoire inusitée mais fascinante.
Titre original : El amor en los tiempos del cólera
Conversations avec Dany Laferrière
Quel livre réjouissant ! Ghila Sroka, fondatrice et animatrice de la Tribune Juive, est une amie de longue date de Dany Laferrière. Dans cet album à la présentation soignée, elle offre des entrevues qu’elle a menées avec Laferrière sur une période de 25 ans. Certaines ont déjà été publiées, mais plusieurs sont inédites.
À travers ces conversations, Laferrière raconte des détails de sa vie familiale, de ses voyages, de son processus créatif. Il explique comment il a décidé, sur un mode balzacien, d’organiser neuf de ses livres en Une autobiographie américaine. On découvre sa grande érudition, sa volonté d’appartenance au monde américain (au sens de l’Amérique et non au sens étatsunien) par opposition au monde français.
C’est un livre généreux, convivial, réfléchi. Un bonheur de lecture.
Passage du désir
Je qualifierais ce livre de roman policier pour filles à l’instar d’un copain qui me disait qu’Harlan Coben avait écrit des policiers pour gars. Ici, le policier est une policière, ex-commissaire en retraite anticipée, Lola Jost, qui fera équipe avec une masseuse au passé mouvementé, Ingrid Diesel. C’est un crime sordide qui les amène à former un tandem haut en couleur.
C’est à découvrir !
P. S. Je prends grand plaisir à lire les commentaires du Club des Irrésistibles et y découvre des auteurs et des titres qui m’emballent. Merci à celles et ceux qui partagent avec assiduité leurs lectures.
Un si joli visage
Le personnage central, Mary Gooch, part à la recherche de son mari disparu le jour de leur 25e anniversaire de mariage. Obèse morbide dont l’unique passion était de nourrir ce corps perpétuellement affamé et qui n’a jamais quitté son village de Leaford en Ontario, elle part seule. Toronto, Los Angeles, une longue route, un parcours semé de rencontres « miraculeuses », mais la principale est celle qu’elle fait avec elle-même. Une lecture d’été qui invite à se défaire de ses carcans.
Titre original : Wife’s Tale
La Chorale du diable : une enquête de Lessard
Nouveau venu dans le roman policier thriller qui frôle l’ineptie, Martin Michaud nous présente Lessard, son policier fétiche qui, comme ses confrères Bosch et Kurt Wallander…, est divorcé, mais aux prises avec un problème de caféine plutôt que d’alcool… Les personnages sont bien campés, mais quelques-uns, dont un fantôme et un enfant qui écrit dans un journal, apparaissent, donnant à l’histoire un caractère frôlant l’irréel… Trame de fond : la religion, le pouvoir hypnotique du tueur.
L’Étincelle. Révoltes dans les pays arabes
« Il n’y a pas eu de leader, pas de chef, pas de parti qui porte la révolte en avant. Ce sont des millions de gens ordinaires qui sont sortis dans les rues parce que trop c’est trop ! ».
Ben Jelloun, cet écrivain français d’origine marocaine, intellectuel engagé dans les débats concernant ce coin d’Afrique, fait une analyse intéressante de ces évènements. Dans un style clair et simple, il explique ce sursaut de dignité du « citoyen universel » qui arrive au bout de sa patience.
Les dirigeants européens avaient une part de responsabilité dans le maintien de ces régimes. « Deux raisons les ont toujours poussés à se taire et laisser faire ». Ben Ali et Moubarak empêchaient l’arrivée d’une république islamique « comme en Iran » et la perspective de contrats et d’affaires payantes.
Membre : Outremont
12 août 2011
Cet essai, qui a été publié simultanément en France, en Italie et en Allemagne, nous met en plein dans l’actualité et nous éclaire sur le mouvement de révolte qui traverse le monde arabe depuis 2010, et qui, depuis, ne cesse de se propager. C’est « un immense mur de Berlin qui tombe », écrit l’auteur, un moment historique, car plus rien dans la région ne sera comme avant.
En effet, on ne reverra pas de si tôt, autour de la Méditerranée, des dictateurs à la longévité de Moubarak et de Ben Ali… Des millions de manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer dignité et égalité. Peu de gens ont vu venir ce vent de révolte qui semble maintenant irréversible. Pour nous l’expliquer, Tahar Ben Jelloun nous projette habilement « dans la peau » de Moubarak puis « dans la peau » de Ben Ali, acculés à la fuite, puis « dans la peau » de ces hommes ordinaires, tel Mohamed Bouazizi qui s’immola par le feu en Tunisie, et d’autres en Égypte, en Lybie, en Algérie, qui furent les étincelles qui enflammèrent cette révolution.
Dans la deuxième partie de son essai, pour nous donner plus de précision, Tahar Ben Jelloun examine au cas par cas la situation des pays arabes touchés par la contestation : Tunisie, Égypte, Algérie, Yémen, Maroc, Lybie, Syrie, et évalue les chances de réussite de ces mouvements en tenant compte de leur spécificité et de l’histoire de ces pays. Dans quelle mesure cette évaluation serait-elle conforme à ce qui pourrait se produire ?
Un essai clairvoyant et instructif sur ces événements à l’actualité brûlante et une occasion pour l’auteur de saluer le rôle nouveau et décisif de la jeunesse arabe dans ces révoltes immensément courageuses.
Adrien Arcand, Führer canadien
Jean-François Nadeau nous présente la biographie d’un journaliste et homme politique québécois qui a voué sa vie à la haine des Juifs, à la promotion de la dictature, de la religion catholique et de l’impérialisme britannique. Cette biographie décrit un squelette tiré du placard de notre histoire récente.
Étonnant personnage au parcours plus étonnant encore. À travers ses activités, Arcand croise toute une galerie d’intellectuels, de politiciens, de syndicalistes, de religieux, d’écrivains d’ici et d’ailleurs. On rencontre en effet certains premiers ministres, André Laurendeau, Michel Chartrand, Pierre Trudeau, les propriétaires du journal La Presse, de riches familles d’Outremont, Louis-Ferdinand Céline, Lionel Groulx et j’en passe.
En pleine crise des années trente, Arcand crée des journaux, publie des articles, établit des relations avec les fascistes de plusieurs pays européens, organise des meetings, s’agite beaucoup. Il est arrêté par le gouvernement canadien et interné, de 1940 à 1945, à Petawawa et à Fredericton en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. Des admirateurs assureront le soutien de sa famille pendant son internement. Il sort de ces camps, convaincu de la valeur de sa cause.
En ces temps de crise de valeurs et de crise financière, c’est un livre à lire et à méditer.